
« Je dois tout voir et ne rien oublier » : c’est ce que se dit Zysla Wajser, alias Macha Ravine, alors qu’elle est internée dans le camp de concentration de Birkenau, dont elle fut une des rescapées.
Son témoignage vient ajouter sa pierre à un édifice de mémoire qu’on ne consolidera jamais assez.
Macha, Polonaise née en 1908 et ayant ayant émigré en 1932 en France, où elle s’est mariée et a eu une petite fille mise à l’abri juste avant son interpellation, « cumule » un double statut de juive et de résistante communiste, soit un double motif de déportation.
La préface retrace sa vie dans les grandes lignes, permettant d’y intégrer le récit qu’elle nous livre ensuite. Celui-ci, en se penchant sur les faits de son passé, les confronte à d’autres éléments qui ne seront portés à sa connaissance que plus tard (ses soupçons relatifs à une voisine, par exemple, se verront confirmés après la guerre au moment de l’épuration, lorsque celle-ci sera arrêtée).
L’évocation des conditions de vie atroces du camp, avec ses « sélections » successives, est émaillée de chapitres se focalisant sur certains cas ou épisodes particuliers, concernant par exemple les Tziganes ou le soulèvement du Sonderkommando et, in fine, la libération du camp par l’armée soviétique en 1945.
Le texte de Macha met aussi en avant un aspect spécifique, celui de l’action clandestine qui tentait de s’y organiser. Macha fait partie des prisonnières qui, jusqu’au bout, ont lutté pour, du mieux qu’elles le pouvaient, aider leurs camarades. Le groupe international auquel elle appartient conserve les valeurs auxquelles elles croient et se soutient mutuellement. C’est grâce à la solidarité de ses membres que Macha pourra rejoindre le Revier (district du camp où sont regroupées et « soignées » les malades, je mets des guillemets car les moyens mis à disposition du personnel médical appartenant aux femmes incarcérées sont quasi-inexistants) et soutenir les plus faibles d’entre elles. C’est, je pense, ce qui m’aura le plus marquée dans ce témoignage, au-delà de son aspect éprouvant, comme le sont tous les récits de rescapés nous rapportant l’insoutenable.
A cela s’ajoute l’expérience personnelle de la fille de Macha, Denise, que celle-ci nous relate à la fin du livre et qui m’a beaucoup touchée : privée de sa mère à l’âge de cinq ans, elle s’est retrouvée face à une étrangère lorsque Macha est revenue du camp. Ce lien affectif brisé n’a jamais été ressoudé, quelle que soit l’affinité intellectuelle qui liait les deux femmes. Et ce n’est que des décennies plus tard, après la mort de sa mère et en relisant son texte sans, cette fois, le tenir à distance, que Denise a perçu la douleur immense éprouvée par Macha quand elle avait dû se séparer de son enfant et s’est enfin sentie proche d’elle.
« Tout voir et ne rien oublier », récit éclairant à l’écriture ferme et précise, saluant le souvenir des victimes du camp de Birkenau, mais aussi le dévouement et le sacrifice de nombre d’entre elles, nommément rappelées, dans leurs tentatives de sauver des camarades détenues, méritait sans conteste cette publication.
« Tout voir et ne rien oublier », Macha RAVINE
éditions du Rocher (216 p)
paru en janvier 2023
Je le note pour l’année prochaine. Je n’avais pas remarqué la sortie de ce témoignage qui apporte encore un autre point de vue (résistance communiste à l’intérieur du camp).
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C’est le moment de noter des titres … pour l’année prochaine!
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ça doit être passionnant mais terrible à lire.
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Nice post🙂
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Ca m’a l’air passionnant même si probablement difficile à lire.
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Je sors de La carte de postale de Berest et j’ai aussi été très marquée par le retour des déportés et la confrontation entre le monde « normal » et ceux qui sont revenus tellement brisés et si loin de toute humanité…
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