« Sur la dalle », Fred VARGAS

Le commissaire Adamsberg est dépêché, avec quelques membres de sa brigade parisienne, en Bretagne, à Louviec plus précisément, près de Combourg : il va enquêter sur un meurtre où le principal suspect est un certain Josselin de Chateaubriand, a priori intouchable car sosie et descendant de l’illustre écrivain et, partant, excellente publicité vivante pour le bourg.
Ce meurtre dont Josselin paraît être le coupable (trop ?) désigné ne reste pas longtemps isolé et, alors que le fantôme du Boiteux vient troubler la nuit des habitants de Louviec en battant le pavé de sa jambe de bois, Adamsberg place le début de ses investigations sous le signe des ombres et des puces …

Six ans après « Quand sort la recluse », j’apprends avec enthousiasme le retour de ce cher et atypique commissaire Adamsberg, réputé pour son improbable efficacité, fruit des cheminements tortueux de ses pensées divagantes. Derechef, je me précipite donc sur ce nouvel opus, toute heureuse de renouer avec la prose singulière de Vargas.
J’apprécie l’entrée en scène d’Adamsberg, en sauveur de hérisson accidenté et me laisse séduire par une virée en Bretagne, sur les terres de Chateaubriand : avec un tel environnement, je m’imagine (le roman à venir) que l’auteur jouera sur du velours et nous aura concocté une de ces enquêtes dont elle a le secret, où les mystères du passé affleurent pour côtoyer les drames du présent.

Las… Si le début du roman m’a effectivement séduite, car il démarrait sous des auspices prometteurs, avec ses petits côtés décalés, la suite n’a pas été à la hauteur. Les pages ont défilé et j’ai vu se dérouler une enquête que je qualifierais presque de plan-plan, en particulier à partir du moment où elle bifurque vers le démantèlement d’une bande de sbires d’un potentat-caïd local, où un schéma identique est repris pour chacun des individus concernés. On y déploie l’artillerie lourde, au propre comme au figuré. On y cause souvent logistique, nourriture notamment (avec Johan, le sympathique patron de l’auberge accueillant tous nos policiers). Certains villageois s’avèrent de précieux adjoints venant apporter une contribution non négligeable (heureusement qu’ils sont là !) et font le lien entre passé et présent (ah, ces anciennes photos de classe et la clique des gars-qui-n’étaient-déjà-pas-des-tendres ! Qui a dit vu et revu ?). La tension dramatique est si faible que je n’ai même pas vibré aux moments les plus « chauds », lorsque la vie d’Adamsberg puis celle d’un enfant sont en jeu.
Adamsberg, notre « pelleteux de nuages, va de temps en temps s’isoler, se trempant les pieds dans l’eau de la rivière en feignant de pêcher ou s’allongeant sur un dolmen, pour laisser ses idées remonter à la surface, mais ce n’est que dans les dernières pages qu’après les avoir assemblées il nous délivrera le fin mot de l’histoire.
Entre temps, les morts se seront accumulés, Retancourt aura, à plusieurs reprises, joué les wonder woman providentielles (aucun gars ne lui arrive à la cheville !), Mercadet se sera régulièrement endormi, Noël se sera montré sans éclat(s), tout comme Veyrenc, présent mais sans présence.

S’il y a, dans les années à venir, une suite aux aventures d’Adamsberg, j’espère qu’elle sera de meilleure facture. Ce qui faisait le charme des romans précédents (un récit original tout en méandres avec des pointes de fantaisie, des personnages croqués avec finesse et un zeste d’humour, une écriture avec sa musique bien à elle), il n’en reste qu’un écho. Une lecture pas désagréable mais sans plus.

« Sur la dalle », Fred VARGAS
éditions Flammarion (509 p)
paru le 17 mai 2023
23 € (j’aurais pu attendre de le lire en médiathèque !)