« Les futurs de Liu Cixin – Proies et prédateurs », Jd MORVAN et Yang WEILIN

Terre, dans un futur indéterminé
Un objet spatial étrange, ressemblant à un cristal, est détecté à proximité de la terre. Il véhicule une trace extraterrestre émanant d’une planète réduite à néant il y a soixante mille ans par ce qu’on appelle le Dévoreur : il s’agit d’un vaisseau en forme de roue aux dimensions monstrueuses (diamètre total : cinquante mille kilomètres), habité de créatures géantes, qui vient enserrer la planète ciblée et en pomper toutes les ressources. Après son passage, celle-ci se trouve « recrachée » exsangue, privée de vie car ramenée à son état originel de magma.
Or le Dévoreur, c’est le message d’alerte transmis par le cristal, se dirige vers la terre, sa prochaine proie : il doit l’atteindre d’ici cent ans …

« Proies et prédateurs » est le sixième tome d’une série de bandes dessinées adaptant des nouvelles du fameux auteur de science-fiction chinois, Liu Cixin. J’avais eu le plaisir de lire deux de ses romans (« Le problème à trois corps », « La forêt sombre »), aussi ai-je sauté sur l’occasion qui m’était offerte de découvrir une de ses nouvelles.

Chronique d’une extinction programmée, à laquelle le valeureux colonel Dongfang Zhiyan des troupes de défense spatiale tente par tous les moyens de s’opposer, en mobilisant les énergies pour réaliser la prouesse technique qui permettra d’échapper à ce Dévoreur, ce récit de space opera ne manque ni d’envergure, ni de souffle. Il offre même quelques touches d’humour, surtout noir (le piquant recours à un personnage de manga pour visualiser l’empreinte extraterrestre du cristal est l’exception qui confirme la règle), le représentant du Dévoreur, j’ai nommé Grandes-Dents, se montrant volontiers sarcastique à l’égard de nous autres, vermisseaux terriens.

Liu Cixin l’inscrit dans un temps long, celui des civilisations qui naissent et meurent : il se plaît à brouiller les marques en faisant voler en éclats les repères que son lecteur peut avoir dans ce domaine, pulvérisant au passage l’échelle hiérarchique au sommet de laquelle l’être humain n’hésite pas à se placer. Il s’amuse aussi, à l’occasion, à mettre à mal notre système de valeurs, en envisageant dans certaine situation critique des réactions humaines à contre-courant de ce qu’on pourrait attendre (je pense aux humains « parqués » sur le Dévoreur …). Enfin, il nous présente ce Dévoreur comme extérieur à nous alors que, d’emblée, celui-ci nous rappelle ce que nous-mêmes faisons subir à notre propre planète. La fin de l’histoire apportera d’ailleurs un éclairage plus que pertinent dans ce sens.

Tout se tient et l’auteur transmet ce qu’il veut démontrer, mais j’ai de prime abord bloqué sur le Dévoreur : concrètement, je n’arrivais pas à concevoir qu’un tel vaisseau puisse réellement exister, avec son gigantisme littéralement inimaginable et puis, ce Grandes-Dents genre dinosaure humanoïde, je n’y croyais pas non plus (du coup, au lieu du sense of wonder, c’est mon sense of scepticism qui était au rendez-vous). Réflexion faite, je me suis dit qu’il ne fallait pas être aussi premier degré, on était en mode allégorique, pour illustrer que nous pouvions être aussi petits vis-à-vis d’une espèce autre que des fourmis le sont pour nous (on est bien dans l’optique de nous faire perdre nos repères). Admettons. Ceci étant, j’ai regretté que le récit ne soit pas davantage incarné : il se focalise en effet sur un unique représentant humain, à la tête de ceux affrontant les événements. Mais il était sans doute difficile de faire autrement, puisque c’est le seul à se voir doté d’une longévité suffisante pour être en mesure d’intervenir sur le long terme.

L’album en lui-même, techniquement parlant, est un sans-faute. La narration est rythmée, autant que les planches, avec leurs cadrages dynamiques et variés mettant en valeur des images souvent spectaculaires. Le graphisme, fouillé, ne manque pas d’attrait, et l’ensemble est richement mis en couleurs.
« Proies et prédateurs » est un space opera où il est autant question d’espèces que d’espace, qui interroge de manière originale le rapport que nous entretenons avec notre planète terre. A découvrir !

P.S. : J’ai lu et commenté cette BD dans sa version numérique, reçue via NetGalley. Je suis ensuite allée la voir en librairie et waouh, elle est magnifique ! Les couleurs sont éclatantes et, au milieu du livre il y a une superbe quadruple page qui se déplie. J’en ai profité pour feuilleter les autres albums de la série et je n’ai pas dit mon dernier mot avec elle 😉.

Rendez-vous aujourd’hui chez Stéphanie !

« Les futurs de Liu Cixin – tome 6 : Proies et prédateurs », Jd MORVAN (scénariste) et Yang WEILIN (illustrateur)
coloriste Hiroyuki Ooshima
éditions Delcourt – collection Neopolis (107 p)
paru en octobre 2022

13 commentaires sur “« Les futurs de Liu Cixin – Proies et prédateurs », Jd MORVAN et Yang WEILIN

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  1. J’ai adoré la trilogie de Liu Cixin (tu n’as pas encore le 3e ? il est tout aussi excellent que les autres, mais encore différent..) mais tes bémols m’incitent à passer concernant cette adaptation de ses nouvelles que je n’ai pas lues, ce que je ferai peut-être, en revanche.

    Aimé par 1 personne

    1. Eh non, j’ai tellement traîné pour m’attaquer au tome 3, que maintenant je n’ose pas, de peur d’être larguée faute de pouvoir me raccrocher à mes souvenirs sûrement insuffisants des deux premiers !
      Quant aux adaptations en BD, j’en tenterai d’autres dans la série, car la mise en images est très attractive, mes bémols concernent le fond et donc la nouvelle concernée. J’ai vu aussi que ma médiathèque avait le tome 1 des nouvelles paru chez Actes Sud, donc ça aussi, c’est noté.

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