
« Les grandes familles », premier tome d’une trilogie éponyme et roman qui obtint le prix Goncourt en 1948, retrace, pendant la période de 1916 à 1927, la vie de la famille Schoulder, banquiers de père en fils, représentés par plusieurs générations : l’aïeul, Siegfried Schoulder, son fils, Noël, qui a maintenant la charge des affaires et François, son futur héritier. François est marié à Jacqueline de la Monnerie, autre famille à laquelle on s’intéressera et ils ont deux enfants.
Noël Schoulder semble vouloir s’assurer que François sera à même de prendre sa suite, mais cette ambition affichée dissimule son souci de pérenniser ses prérogatives de chef de famille et de manifester sa supériorité dans la capacité de gérer la banque. François, dont le caractère est bien plus effacé que le sien, en paiera le prix.
Parallèlement, on suit le parcours de Simon Lachaume. Il a consacré une thèse au grand poète Jean de la Monnerie. Au chevet de celui-ci au moment de sa mort, il profite de cette opportunité pour rédiger un article qui, pense-t-il, lui ouvrira la voie vers une carrière de journaliste.
D’autres personnages, comme le cousin jaloux des Schoulder, Lucien Maublanc, ou encore le médecin Emile Lartois, viendront contribuer à tisser la toile de ce roman.
De Maurice Druon, je ne connaissais que « Les rois maudits », dans son adaptation marquante (est-ce parce que j’avais un gros faible pour Jean Piat ?) en feuilleton (on ne disait pas encore série), diffusé quand j’étais adolescente. « Les grandes familles » m’a impressionnée par la richesse et la précision de son écriture, en particulier dans la description, souvent ironico-sarcastique, de ses personnages, avec un art consommé de la formule (on dirait maintenant de la punchline), dont je ne peux malheureusement pas vous donner d’exemples car la lecture audio se prête difficilement à la collecte de citations. L’auteur dépeint par ailleurs avec acuité la ville de Paris, l’évolution de son architecture, de l’ambiance et des mœurs de l’époque.
Le roman lui-même m’a, au moins dans sa première partie, semblé manquer de tension narrative, j’y voyais la chronique d’une famille puissante mais sans réel enjeu, ce qui ne me gênait pas outre mesure tant j’étais séduite par le regard de l’écrivain et l’interprétation magistrale du lecteur. Dans sa seconde partie, en revanche, il se passe (enfin) quelque chose d’un peu plus consistant… mais on n’est pas non plus chez Pierre Lemaitre (il évoque une période proche et le même milieu banquier dans « Couleurs de l’incendie », que j’ai lu il y a peu, avec des intrigues dignes de ce nom ; en revanche, son écriture n’a pas le même panache que celle de Maurice Druon).
Je lis peu de livres audio, sélectionnant soigneusement les lecteurs ou lectrices car rares sont les voix me paraissant convenir au texte que j’ai choisi. A cet égard, celle de Christophe Brault est remarquable, car elle est capable de sortir de son registre « normal », avec sa tonalité agréable, pour se prêter à tous les simulacres : le comédien ne se borne pas, en effet, à mettre le ton, non, il modifie sa voix, instrument dont il utilise toute l’extraordinaire plasticité, au point d’incarner les différents personnages. On aimera ou pas le procédé, pour ma part j’ai adoré : il offre matière à une théâtralisation du roman qui m’a beaucoup plu, on a l’impression qu’un grand nombre d’acteurs ont été convoqués pour se prêter au jeu de cette lecture.
Bilan en demi-teinte pour ce roman, donc. J’ai beaucoup aimé le style de l’auteur et la voix du lecteur. Le récit, quant à lui, s’il ne manque pas d’intérêt, n’est guère romanesque (dans la mesure où il n’y a pas d’histoire à proprement parler, plutôt l’évocation du parcours croisé de divers personnages), il se rapproche davantage d’une âpre et piquante chronique de mœurs.

« Les grandes familles », Maurice DRUON
paru en 1948
lu par Christophe Brault (12 H 21 mn)
audiolib – septembre 2022
disponible au Livre de poche (384 p)
Je crois me souvenir que j’avais lu le premier tome, mais je n’ai pas continué. C’est loin … Je n’arrive pas à « audiolire », mon attention s’évapore très vite. (j’adorais Jean Piat moi aussi dans le feuilleton).
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Audiolire requiert chez moi une attention soutenue, sinon je laisse passer des éléments. (et Jean Piat dans les Rois Maudits 😍😁 !)
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Intelligent de la part d’audiolib de ressortir d’anciens romans.
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Oui, ça permet de les redécouvrir.
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