« Dans les angles morts », Elizabeth BRUNDAGE

Chosen, petite ville des Etats-Unis à l’allure de bourgade de carte postale, est en réalité, en cette fin des années 70, une zone où de riches new yorkais s’installent après avoir récupéré des fermes qui ont périclité, situation qu’a connue celle des Hale. Les fermiers, Cal et Ella, ont fini par s’y suicider, laissant derrière eux trois garçons orphelins, partis vivre chez leur oncle.
La ferme des Hale est rachetée pour une bouchée de pain par George Clare, un professeur travaillant dans une université proche, qui omet de raconter à son épouse, Catherine, ce qui s’y est passé. Sur place, Cathy s’occupe de leur petite fille, Franny, et embauche les fils Hale, qu’elle prend en sympathie et dont elle ignore qu’ils ont vécu là, pour l’aider dans les travaux de réfection.
Quelques mois plus tard, on est en février 1979, George, en rentrant du travail, trouve le corps de sa femme, qu’il avait laissée endormie à son départ ce matin-là : elle a été assassinée pendant son sommeil par un coup de hache donné en pleine tête. Des traces d’effraction suggèrent que le coupable serait un cambrioleur, mais rien n’a été dérobé et le shérif local n’écarte pas le mari comme suspect potentiel. George, abasourdi, quitte la ville avec sa petite fille et se réfugie chez ses parents, d’où il refuse d’apporter son concours à la police…

Ne vous laissez pas, comme moi, abuser par cette entrée en matière (et par la pastille « sélection Prix des lecteurs 2019 – Polar ») : « Dans les angles morts » n’est pas, à mon sens, un roman policier et, si on veut le qualifier de roman noir, il faudra accepter que, dans toute sa première moitié, il prenne son temps et n’ait rien de palpitant. Mon attente en la matière se trouvant déçue, il y a eu un petit moment de flottement, j’ai repris mes marques et me suis dit que je lisais un roman, c’est tout, et qu’il était bon (la suite me prouverait qu’il pouvait gagner en rythme et en tension dramatique).
Retour sur l’histoire des Hale et celle des Clare, pour ceux-ci jusqu’à leur arrivée à Chosen, l’histoire de deux mariages tristes, avec une similitude frappante dans le destin des deux femmes, Ella et Catherine, toutes deux cantonnées à leur rôle d’épouses-mères au foyer et non appréciées, voire non aimées, de leur mari. L’atmosphère est pesante car Ella hante toujours les lieux, cette ferme vétuste entourée de champs à perte de vue, personnage à part entière que l’auteur sait nous donner à voir. C’est une des forces du roman, cette capacité à nous projeter sur place et à nous faire aussi percevoir, tant ils sont finement dépeints, l’essence des personnages en cause. On s’intéresse ainsi non seulement aux deux femmes mais aux fils Hale, au shérif et à son épouse, l’agent immobilier, ainsi qu’à un autre couple auquel les Clare vont se lier, Justine et Bram. Une telle dispersion m’a un peu gênée : je n’étais pas convaincue que cette présentation de divers individus s’avèrerait liée au crime à élucider (que pour ma part je ne perdais pas de vue).

On finit par revenir, à partir de la seconde moitié, aux événements les plus récents dans la vie des Clare et, tout en continuant à jouer, avec talent, dans la catégorie étude de mœurs – analyse psychologique, le roman lorgne du côté du thriller psychologique plutôt bien fichu. Voilà qui n’était pas pour me déplaire, sauf dans la toute fin, à laquelle je n’ai pas adhéré car j’ai tiqué sur un point à mon sens peu vraisemblable (pourquoi certain élément, qui n’était pas dissimulé, n’a-t-il pas été vu et pris en compte par les enquêteurs?).
Bilan malgré tout positif et je comprends que « Dans les angles morts » ait fait l’objet de (très) bonnes critiques sur les blogs, où je l’avais repéré : c’est un roman de qualité et il les mérite.

« Dans les angles morts », Elizabeth BRUNDAGE
titre original All Things Cease to Appear (2016)
traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cécile Arnaud
paru aux éditions Quai Voltaire/La Table Ronde en 2018
et aux éditions Le livre de poche en 2019 (631 p)

Les avis de : Cathulu, Jostein, Leiloona, Kathel, Inganmic , Papillon

21 commentaires sur “« Dans les angles morts », Elizabeth BRUNDAGE

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  1. Comme Kathel, j’ai aimé sans bémol. Et comme j’avais lu sur différents billets que l’intrigue « policière » n’était qu’un prétexte, je n’ai pas été déçue de ce point de vue..

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    1. Je me suis adaptée en cours de lecture ^^ (d’autant qu’il était hors de question d’abandonner ce roman dont j’avais entendu dire autant de bien … et que je lisais dans le cadre de mon challenge !) !

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  2. Tu es bien la première que je lis exprimer quelques réserves sur ce roman… Même si ton avis global reste positif, je note tout de même qu’il n’y a que 2 parts et non pas 3…
    Je le lirai sans doute un de ces jours, mais ton avis confirme mon sentiment qu’il n’y a pas matière à me précipiter.

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  3. Je fais partie des lectrices qui ont vraiment été enthousiasmées par ce roman. C’est Cathulu qui m’a donné envie de le lire et je n’ai pas été déçue. Il est vrai que je ne m’attendais pas forcément à un page-turner au départ, et pourtant je l’ai dévoré !

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  4. Bonjour Brize, je fais partie de ceux qui ont aimé ce roman qui est plus un roman psychologique qu’un roman policier. Je me suis rendue compte que dans sa version « poche », il avait été classé dans les romans policiers ce qui est un contresens. Bonne fin de soirée.

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