« Grand Siècle – Livre 1 : L’Académie de l’éther », Johan HELIOT (et mon avis sur la trilogie)

France – 1655
En Lorraine, la famille de paysans Caron souffre de la faim et vit dans la misère. Au point que le père, veuf, finit par se suicider en laissant à ses cinq enfants une lettre leur enjoignant de se rendre à Paris auprès d’un oncle de leur mère dénommé Plantin.
Pendant ce temps-là, la frégate La Superbe est témoin d’un bien étrange phénomène : une sphère, d’un métal inconnu, noir et parfaitement lisse, tombe du ciel dans l’océan. Remontée à bord du bateau, elle capte d’emblée l’attention et l’esprit du lieutenant Baptiste Rochet, suscitant en lui d’étourdissantes visions de l’éther. Dès lors, il n’aura de cesse de la soustraire à ses supérieurs pour la transporter à la cour de Versailles et la présenter au roi.
Parvenus non sans encombre (avec deux incidents qui posent des jalons dans les destins du frère le plus âgé, Pierre et du plus jeune, Martin) à Paris, la fratrie Caron arrive chez l’oncle, Maître Plantin, imprimeur de son état. Comme Jeanne, instruite par sa mère, sait lire, elle le secondera et tiendra aussi le rôle de servante dans la maisonnée. Estienne sera livreur. Quant à Pierre, il décide de subvenir à ses propres besoins et à ceux des deux plus jeunes, dont l’oncle refuse d’avoir la charge.
De son côté, Rochet est parvenu à ses fins et la sphère se retrouve face au roi. Le contact s’établit aussitôt et le roi se met à danser parmi les corps célestes au milieu desquels il se  voit  projeté, son esprit s’ouvrant à mille possibilités … dont celle de la conquête de l’éther.

Ainsi commence le premier tome de la trilogie « Grand Siècle », intitulé « L’Académie de l’éther ».
La mystérieuse sphère ne le reste pas longtemps, du moins aux yeux du lecteur, puisqu’elle vient rapidement s’exprimer directement sous forme d’intermèdes insérés en italique entre certains chapitres. Il s’avère qu’elle est une Unité d’Exploration Conscientisée (UEC), capable d’interagir avec ce qu’elle appelle une « interface organique carbonée », id est un humain, en atteignant et influençant son esprit. Elle fait partie d’un essaim disséminé dans la galaxie, victime d’une agression qu’elle n’a pas su ni anticiper ni identifier. Elle s’est posée sur la première planète solide venue et, de là, a envoyé un « alter ego rudimentaire, en quête sinon de secours, du moins de la possibilité de s’aider elle-même, en exploitant les ressources locales ». Pour atteindre son objectif, il va donc falloir qu’elle incite et aide les humains à passer du stade du déplacement à cheval à celui du vol dans l’espace ! Mais alors qu’elle a déjà pu juger, au travers de Rochet, de la faiblesse globale des hommes, elle détecte chez le jeune roi Louis XIV (seize ans) une « intelligence fine » et une « volonté hors du commun » qui lui donnent l’espoir d’y parvenir en quelques générations.

Voilà pour l’exposé du contexte, sachant que Louis XIV affronte à cette époque la Fronde menée par le duc de Condé : le pays, déjà exsangue, verra donc d’un très mauvais œil les nouveaux impôts qu’il décidera de lever pour entreprendre, grâce à des vaisseaux adéquats, cette fameuse conquête de l’éther, censé être un lieu recelant d’infinies richesses. Enfin, il ne faut pas oublier, l’UEC nous le rappelle, que les hommes ont alors une perception réduite de ce qui entoure la Terre : c’est « « la sphère céleste » copiée sur le modèle de leur planète et de son satellite naturel, la Lune, soit la projection géométrique d’une frontière spatiale imaginaire, à la surface incurvée, qui serait le support des astres observés en levant les yeux au ciel ».

On suit donc le quotidien de la fratrie Caron à Paris (dont l’auteur nous donne en quelques traits, à leur arrivée, une description très vivante), une ville bien mieux lotie que les campagnes en proie à la disette. Pierre ne tarde pas à prendre une voie spécifique, qui l’éloignera de ses frères et sœurs, et Estienne fait une rencontre déterminante.
Quant au roi, il s’adjoint le concours de Blaise Pascal pour mener à bien sa nouvelle entreprise.
Les deux axes narratifs se rapprochent quand l’un des enfants Caron se retrouve au service du savant … A cela s’ajoutent les menées d’un ambitieux cardinal romain, dont les complots viendront perturber le cours des événements.

A partir d’un élément de SF, l’irruption de la sphère qui joue le rôle d’accélérateur du progrès, le récit vire à l’uchronie (histoire alternative). Car Blaise Pascal, après avoir inventé la pascaline, une puissante machine à calculer, découvre l’ « effluve » (une sorte d’électricité produite par le magnétisme terrestre) et l’utilise  pour concevoir diverses machines, dont dans un premier temps des carrosses sans chevaux : leurs déplacements nécessiteront de modifier le visage de la capitale en y créant de grandes artères de circulation. A terme, c’est une nef visant à explorer l’éther, appelée le Soleil, qui sera construite (tome 2). Tout cela se déploie naturellement (dès lors qu’on veut bien suspendre son incrédulité et accepter l’existence de la sphère, moi je n’ai eu aucune difficulté, en plus le dédain manifesté de prime abord par cette UEC pour les humains est plutôt amusant), sur un fond historique et social mêlant allègrement 17ème et 19ème siècles, puisque le progrès fait basculer le pays dans une ère nouvelle, avec une « révolution machinique en cours ». Jeanne en viendra ainsi à chroniquer ces bouleversements dans un journal polémique intitulé « La Voix de Paris », où elle pointera les abus du pouvoir en place, sourd aux besoins du peuple.

Louis XIV, présenté comme un homme hors du commun, occupe une place de choix et l’évolution de sa relation avec la sphère sera pleine de surprises. En dehors de lui, on croise des personnages historiques, d’autres qui sont célèbres parce que, comme d’Artagnan, ils ont marqué l’imaginaire collectif et l’auteur les intègre sans peine à l’histoire, quand il ne se plaît pas à faire quelques clins d’œil à des personnages de fiction (des Misérables). La fratrie Caron, elle, est traitée avec un soin particulier et on suit avec intérêt le parcours parfois très chaotique de chacun de ses membres, au sein d’une époque dont ils sont de remarquables représentants.

Parvenue à la fin du tome 1 et bien que, comme le suivant , il ne s’achève pas sur un insoutenable suspense, j’ai poursuivi ma lecture et enchaîné sans mollir  avec « L’Envol du Soleil » (qui commence en 1670 et court jusqu’en 1683) puis, dans la foulée « La Conquête de la sphère » (on se retrouve en 1688 et le récit s’achèvera en 1715).
Car non contente d’être une uchronie, « Grand Siècle » s’avère aussi un bel hommage aux romans feuilletons du 19ème siècle, avec moult péripéties et rebondissements qui m’ont ôté toute envie de lâcher la série. Cette trilogie, servie par une plume de qualité, m’a emballée ! Aucun doute, je lirai d’autres œuvres de ce conteur talentueux qu’est Johan Heliot, dont l’imagination s’ébat avec bonheur dans notre patrimoine historique et littéraire.

Grand Siècle – Livre 1 : « L’Académie de l’éther », paru en mai 2017, éditions Mnémos, 299 pages
les avis de : l’ours inculte, Boudicca, les chroniques du chroniqueur, Lhisbei

Grand Siècle – Livre 2 : « L’Envol du Soleil », paru en mai 2018, éditions Mnémos, 288 pages
les avis de : Boudicca, les chroniques du chroniqueur, Lhisbei

Grand Siècle – Livre 3 : « La Conquête de la sphère », paru en mai 2019, éditions Mnémos, 304 pages
l’avis de : Boudicca

2 commentaires sur “« Grand Siècle – Livre 1 : L’Académie de l’éther », Johan HELIOT (et mon avis sur la trilogie)

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