« Les naufragés de l’institut Fermi », André DAVID

Sur l’île de Bréhat, en 2392, l’Institut Fermi envoie ses Dériveurs à travers le temps, au XIXème siècle surtout. Leur but : altérer le cours de l’Histoire pour freiner et stopper ce qui semble l’inexorable marche de l’humanité vers sa fin. Louis Maine est l’un de ces dériveurs, dont l’ubiqus, son jumeau génétique du siècle concerné, accueille régulièrement l’esprit.
Bien plus loin sur le fil du temps, sur une Terre glacée et morte, survivent des légions de clones rassemblés en ruches. Pour éviter ce présent insensé qui est le leur, eux aussi ont entrepris de se rendre dans le passé, grâce aux Voyageurs, qui y entraînent leur corps et leur âme. Leur but : s’opposer aux menées des Dériveurs, car s’ils ont réussi à maintenir l’humanité, c’est sous une forme et des conditions inacceptables, leur existence quotidienne en témoigne.
Parmi ces Voyageurs, Gwenn, un modèle epsilon voué aux recherches d’archives et qui, contrairement à des centaines de ses semblables, s’est forgé une individualité, est désignée pour affronter le Dériveur Louis Maine …

Comme souvent dans les romans de science-fiction, et c’est en cela qu’ils peuvent être plus exigeants et excitants que ceux de la littérature dite blanche, les éléments que je viens de vous exposer brièvement ci-dessus ne sont pas livrés au lecteur sur un plateau : c’est à lui d’être attentif à ce qu’il lit pour mettre les choses en perspective et comprendre de quoi il retourne (et à ce titre, « Les naufragés de l’institut Fermi » n’est certainement pas le plus difficile à appréhender car l’auteur nous guide, après nous avoir plongés initialement in medias res, avec une scène d’action mettant Gwenn en avant), certains aspects dont je n’ai pas parlé n’étant d’ailleurs révélés qu’à mi-parcours.

Le nom de l’institut, Fermi, se réfère au fameux paradoxe du scientifique Fermi qui, en 1950, s’interrogeait sur notre absence de contact avec des civilisations extraterrestres, lesquelles auraient déjà dû essaimer à travers l’univers. Une des hypothèses en mesure de répondre à cette question consiste à dire que les civilisations développées finissent par s’effondrer avant que la rencontre ait pu se produire. C’est cet effondrement que les Dériveurs veulent empêcher.
A partir de cette thématique, André David déroule un récit ancré dans l’existence de l’institut Fermi, dont il restitue efficacement l’atmosphère austère et celle de l’île de Bréhat qui l’héberge, bien différente chez les Voyageurs de ce qu’elle était du temps des Dériveurs. Au sein de l’histoire, ses personnages, dont certains ont réellement existé, sont suffisamment bien dessinés pour être crédibles et s’efforcent d’intervenir à leur niveau en exécutant les missions confiées. Ce jeu d’altérations, aux allures d’uchronies, comporte des risques (notamment celui de ne pas retrouver au retour ceux qu’on connaissait et aimait). Il revient aussi à effectuer de petits coups de pinceaux sur une toile paraissant trop immense pour être modifiée : ce qui est entrepris pour faire dévier le cours du temps semble dérisoire (voire abordé sous un angle qui m’a laissée dubitative quant à ses prémisses, je pense ici à la dernière tentative effectuée) mais pourtant nos héros se battent, au sens souvent littéral du terme puisqu’ils peuvent être envoyés en plein champ de bataille, pendant la guerre de Crimée par exemple.

« Les naufragés de l’institut Fermi » est un roman de réflexion et d’action, mais manquant un peu de rythme à mon goût. Il revisite le paradoxe de Fermi en s’interrogeant sur la notion de déterminisme historique et, plus fondamentalement, sur le concept-même de temps. Original et intéressant, il aboutit à un dénouement percutant, en forme de pied-de-nez à l’H/histoire.

« Les naufragés de l’institut Fermi », André DAVID
éditions Critic (558 p)
paru en mars 2022

Repéré chez Célinedanaë et Le chien critique.

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