« Le monde n’existe pas », Fabrice HUMBERT

Lorsque, sur les écrans géants de Times Square, Adam Vollman voit surgir l’image d’Ethan Shaw, accusé du viol et du meurtre d’une jeune fille, la sidération le dispute chez lui au scepticisme.
Ethan, il l’a connu lors de son adolescence à Drysden. Adam était dans l’ombre et Ethan dans la lumière, le jeune et bel Américain sportif dans tout l’éclat de sa popularité lycéenne. Ethan, pourtant, s’est intéressé à Adam, de deux ans plus jeune que lui et c’est en souvenir de cette vague amitié et du culte qu’il lui vouait qu’Adam va convaincre son journal de l’envoyer enquêter à Drysden.
Une fois sur place, dans une ville qui le renvoie à son passé douloureux, rien ne se passe de manière normale. Lorsqu’Adam se présente pour la première fois au lycée de Drysden, personne ne semble avoir connu la victime, Clara Montes. Mais quand il y retourne, les témoignages affluent soudain, de la part des mêmes étudiants qu’il avait approchés. Et ce n’est là qu’un exemple des zones d’ombre qu’Adam ne cesse de détecter, ces espaces incertains où le mensonge se maquille en vérité.
Mais la vérité existe-t-elle, dans un monde où l’information peut se nourrir d’elle-même, tournant parfois en boucle sans rien apporter ? Quand la moindre donnée, sur internet, peut être falsifiée ? Quand tout devient matière à récit ?

« Je prétends que tout ce que nous vivons est un livre ou un film. En tout cas une fiction, recomposée ou non. Le film en cours s’intitulait Retour à Drysden. Je logeais dans un décor de film policier. La route qui serpentait dans les montagnes était celle de Shining. Comme dans le film de Kubrick, une caméra dans un hélicoptère avait filmé le trajet de la voiture. Drysden n’existait pas. Le monde n’existe pas. Le monde est une histoire pleine de bruit et de fureur. »

« Le monde n’existe  pas » mêle la quête d’Ethan, le disparu, le fugitif, bouc émissaire commode d’un pays où les excès de violence ne trouvent pas leurs coupables et l’enquête d’Adam Vollman, sur fond d’interrogations récurrentes quant à notre environnement saturé d’informations dont l’authenticité devient de plus en plus difficile à prouver. Les considérations à ce sujet, émaillant le roman, si elles ne nuisent pas à son rythme, m’ont cependant donné l’impression d’afficher un peu trop la visée démonstrative du récit.

J’ai néanmoins pris plaisir à sa lecture, je l’ai trouvé prenant : l’histoire est intriguante à souhait, un parfum d’étrangeté flotte sur les pages. Comme Adam, on se demande ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Le glissement de l’un à l’autre semble altérer l’essence-même des choses et des êtres : à l’image d’Ethan, ils se dérobent et on navigue parfois à la lisière du cauchemar éveillé. In fine, on n’est pas sûr d’avoir reconstitué le puzzle : rappelant ceux qu’affectionnait Ethan, il y manque une dernière pièce et c’est au lecteur d’en définir les contours, ou de constater que l’entreprise est vouée à l’échec…

« Le monde n’existe pas », Fabrice HUMBERT
Editions Gallimard (247 p)
Paru en décembre 2019

Les avis de : Delphine-Olympe, Hélène, Kathel

9 commentaires sur “« Le monde n’existe pas », Fabrice HUMBERT

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  1. Je l’ai noté chez Krol, qui était très enthousiaste. J’ai découvert cet auteur avec « L’origine de la violence », que j’avais aimé, je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas relu depuis.. et le billet de Kathel m’avait échappé… il fait aussi très envie !

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