Dans les années 1930, à Vienne, Whilelm et Almah, beauté blonde sur laquelle tous les hommes se retournent, tombent follement amoureux l’un de l’autre. Il est journaliste débutant et rêve de faire ses preuves. Elle, fille de médecin, poursuit des études de dentiste. Almah est la fille unique de parents aisés tandis que Whilelm est d’origine plus modeste, ce qui ne s’avère pas un obstacle à leur mariage. Mais tous deux sont juifs, même si leurs familles ne sont pas pratiquantes et il ne fait pas bon être juif en Autriche, alors que la montée du nazisme va de pair avec la multiplication des mesures visant à les priver de leurs droits fondamentaux, pour à terme les exclure totalement de la société. Ce qui s’annonçait comme une douce romance dans une ville de rêve va ainsi tourner au cauchemar.
Whilelm et Almah se voient contraints, avec leur tout jeune fils, de laisser derrière eux la vie qui les attendait, les ambitions (pour Whilelm) qu’ils nourrissaient, pour fuir, avec les plus grandes difficultés, ce pays qu’ils aimaient tant. Alors qu’ils voulaient rejoindre les États-Unis, où la sœur de Whilelm et son mari avaient déjà émigré beaucoup plus tôt, c’est en République Dominicaine qu’ils finiront par arriver, pour participer à la fondation d’une communauté juive …
Nous, on est embarqués avec eux dans un maelström d’émotions, bouleversés par le traitement infligé aux juifs (dans un premier temps, des humiliations comme celle consistant à faire nettoyer à des femmes des pavés crottés avec une brosse à dents, « sous les quolibets des badauds rigolards » …), des choses qu’on croyait savoir mais non, finalement, la sidération est toujours là et on note le louvoiement au quotidien pour ne pas se faire remarquer, les regards fuyants pour ne pas regarder ce qui se passe, aussi, de peur des sanctions immédiates, le mécanisme d’une terreur en marche. Et cette certitude vissée au corps chez certains qu’ils sont ici depuis trop longtemps, c’est leur pays, celui pour lequel ils se sont battus, il ne peut pas vouloir les rejeter.
C’est la grande force de Catherine Bardon, dont « Les déracinés » est le premier roman, mais qui mûrit en elle depuis 20 ans, cette capacité à être en empathie avec ses personnages et à nous rendre leurs tourments terriblement présents. Au point que l’odyssée de Whilelm et d’Almah, parmi tous ces juifs dont personne ne veut, et qui passera avant de les conduire en République dominicaine par un certain nombre de lieux où ils seront retenus dans des conditions de vie déplorables, n’a eu de cesse de me renvoyer aux migrants qui de nos jours frappent à notre porte.
Quant à l’installation en République dominicaine (elle intervient à la moitié du roman), parmi les colons déjà présents à Sosúa (mais pratiquement tout reste encore à construire et à faire), son évocation est elle aussi passionnante : découverte de paysages nouveaux et d’une nature omniprésente, organisation et vie de cette communauté de pionniers, où rares sont ceux qui détenaient initialement les compétences ad hoc, rapports avec la dictature en place dans l’île.
Quatre jours m’ont suffi pour venir à bout de ce petit pavé qui se lit tout seul, dont la dernière partie m’a surprise et le dénouement beaucoup touchée. Un bon roman, très documenté, attentif au ressenti de ses protagonistes (une partie du récit passe par le regard de Whilelm), que je vous recommande en lecture estivale (suivez mon regard 😉 ) !
« Les déracinés », Catherine BARDON
éditions Les Escales (624 p)
paru en mai 2018
Je l’attends et il sera une de mes lectures de cet été …
L’époque, le lieu et l’histoire me fascinent d’avance. Je pense qu’il s’agit d’une lecture indispensable qui raconte une histoire trop méconnue …
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Toujours cette période qui ne cesse de nous toucher , j’ai beaucoup lu sur le sujet mais chaque nouveau livre ajoute une pierre à l’édifice.
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Oui, bah justement, c’est un des titres en lice pour mon pavé de l’été :-)) Mais j’avoue qu’il y a de la concurrence ! Ceci dit, 4 jours tu m’impressionnes !
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Je me suis impressionnée moi-même, car je ne suis pas une lectrice rapide ! Mais il y a des pavés plus denses que d’autres (ça dépend de la police de caractère, de la mise en page … bon, ce n’est pas à toi que je vais apprendre cela 😉 ) et puis je l’ai lu en numérique (via NetGalley) et j’ai l’impression que je lis un peu plus vite quand c’est en numérique (parce que c’est plus confortable visuellement pour moi ?).
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J’ai déjà quelques idées pour le pavé de l’été dont « Les disparus » qui traite de la même thématique, mais je garde quand même ce titre dans un coin de ma petite tête
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