« MALAURIE. L’appel de Thulé », MAKYO – Frédéric BIHEL – Jean MALAURIE

En 1951, le jeune géologue Jean Malaurie (âgé maintenant de 96 ans, au parcours remarquable puisqu’il devint ensuite ethnologue et fut notamment le fondateur de la célèbre maison d’édition Terre Humaine où fut édité Lévi-Strauss) part en expédition solitaire au Groenland, à Thulé. Il est chargé de faire des relevés géomorphologiques ainsi qu’une enquête ethnologique sur la population.
Retour sur une aventure audacieuse, racontée au travers d’une chronique où le compte-rendu de mission s’appuie sur l’intime du vécu individuel et la rencontre avec l’autre…

Je connais bien le fameux livre de Jean Malaurie « Les derniers rois de Thulé »… pour l’avoir eu pendant des années dans ma PAL avant de finalement renoncer à le lire (trop dense pour moi) et de m’en séparer. Cet album, sans en être une adaptation, relate l’expédition que Malaurie y évoquait, mais bien sûr il n’entre pas dans le même niveau de détails, ce qui en rend la lecture très aisée.
Ce qui frappe dans le récit est sa sincérité. Malaurie, dans les premiers mois de son installation, encaisse difficilement la solitude (il ne parle pas la langue des Inuits), dans un environnement (le climat, la cabane plus que rustique dans laquelle il loge) particulièrement éprouvant et traverse une dépression qu’il ne cherche pas à cacher et qui l’empêche de s’ouvrir à ceux qui l’entourent. Il en sort à l’arrivée du printemps et la suite de l’expédition lui permet de remplir ses missions, en s’aidant du concours des autochtones, heureux qu’il se soit finalement habitué à eux. Cet « apprivoisement » réciproque n’est pas exposé de manière précise, c’est un processus qui s’accomplit sur la durée, mais là aussi Malaurie n’en donne pas une version édulcorée : ainsi, lorsque, pour des raisons de commodité, il marche (enfin il file dans son lourd traîneau en bois tiré par huit chiens, qu’il a dû apprendre à diriger) sur les traces de chasseurs inuits, ceux-ci ne manifestent aucune réaction lorsqu’il les rejoint et ne l’attendent pas pour repartir. Ils n’ont pas besoin de lui et le manifestent. Cela n’empêchera pourtant pas, au final, Malaurie de s’intégrer au groupe et deux couples se joindront à lui lorsqu’il partira effectuer des relevés topographiques dans les régions les plus septentrionales.

Le dessin est réaliste, avec des personnages dont les traits se rapprochent de leur(s) modèle(s). Les paysages, très travaillés, m’ont particulièrement plu. Les planches ci-dessous n’en donnent qu’un aperçu car en fonction des lieux et des périodes de l’année, les couleurs s’y déploient de manière variée et parfois spectaculaire. Ils contribuent pour beaucoup à cette sensation d’immersion qu’on a en parcourant ce bel album, témoignage d’une aventure individuelle exigeante et dont les protagonistes locaux ont, depuis, dû se confronter aux diktats imposés par la société moderne.

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« MALAURIE. L’appel de Thulé », scénario MAKYO et Jean MALAURIE, dessin Frédéric BIHEL
Editions Delcourt (136 p)
Paru en novembre 2019

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20 commentaires sur “« MALAURIE. L’appel de Thulé », MAKYO – Frédéric BIHEL – Jean MALAURIE

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  1. Je crois avoir lu Les derniers rois de Thulé, à une époque lointaine… je l’ai eu dans mes rayonnages aussi, mais il en a disparu ! 🙂
    Bonne idée que cette BD en tout cas, et le graphisme me plairait je crois.

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  2. Je me disais que l’on n’en entendait plus guère parler de Malaurie, mais quand tu donne son âge .. évidemment. Un album c’est une bonne idée, je n’ai jamais eu le courage de me lancer dans un de ses livres.

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    1. Les derniers rois de Thulé s’est avéré trop copieux pour moi, si bien que je n’ai finalement rien lu de lui. L’album permet aussi de faire découvrir le personnage, que les jeunes générations ne connaissent sans doute pas et c’est bien qu’il ait été réalisé de son vivant.

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  3. J’ai lu le bouquin en première année de fac, il était dans les lectures d’un cours d’anthropo que j’avais suivi. Il était vachement bien, ça m’avait assez retournée. Parfois je regarde le pavé dans ma bibliothèque et j’ai envie de le relire, un peu maso la fille.

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  4. pour Makyo pourquoi pas mais pas certaine d’adhérer au scénario. Je sais pas pourquoi, peut être cet aspect trop classique, linéaire. A voir si je me penche dessus ou pas… (j’en serai bine capable en plus)

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