Henry Molise, 55 ans, est un romancier et scénariste qui a connu son heure de gloire mais est maintenant au chômage. Il habite avec sa femme Harriet dans une grande propriété à Point Dume, sur la côte californienne, où ses quatre grands enfants sont plus ou moins présents.
Un gros chien, qu’ils prennent d’abord pour un ours, vient un jour échouer chez eux. Stupide, c’est ainsi qu’ils vont le nommer, a comme particularité dérangeante l’habitude de sauter sur les mâles humains ou canins en dégainant une « carotte » de belle taille pour leur faire leur fête.
La série d’incidents provoqués par son arrivée et la décision renouvelée de Molise de garder ce chien très spécial, vont menacer l’équilibre de la vie du narrateur, déjà précaire : entraîné dans une spirale chaotique, il voit tout lui échapper, à commencer par ses proches …
Disons-le tout net, j’ai failli abandonner ce bouquin au bout de quelques pages, tant il m’avait prise à rebrousse-poil avec son clébard priapique et son narrateur qui se plaint (on verra par la suite que chez lui ce n’est qu’une posture, contrairement à son épouse) de voir un de ses fils « coucher avec des Noires ». La quatrième de couverture vantait « Un joyau d’humour loufoque et de provocation ravageuse« , certes, mais je me suis dit que je n’étais pas réceptive à ce genre d’humour. Néanmoins, le livre m’avait été prêté et recommandé, je n’avais rien lu de John Fante, que je connaissais de réputation et dont je commençais déjà à apprécier l’écriture, donc j’ai poursuivi et je ne l’ai pas regretté.
On suit les déboires d’Henry Molise, enlisé dans une existence où tout part à vau l’eau. Le roman qu’il voudrait écrire est mauvais et, du côté des scénarios, il se retrouve en concurrence avec de jeunes loups aux dents longues prêts à accepter de travailler pour n’importe quelle série débile. Ses enfants ne lui apportent pas davantage de satisfaction : tous ou presque, car le dernier semble sortir du lot, devenus des étrangers à ses yeux, des menteurs et des ingrats profitant des avantages matériels qu’il peut leur offrir, n’hésitent pas à prendre le large quand l’occasion s’en présente, pour se retrouver dans des situations matériellement ou psychologiquement compliquées. Quant à Harriet, elle a déjà plusieurs fois menacé de quitter son mari et il n’est pas exclu qu’elle le fasse réellement, tant les décisions qu’il prend ne tiennent pas compte de ses désirs.
Dès lors Henry, dont un de ses fils, lui balançant soudain ses quatre vérités, lui déclare un jour qu’il n’est qu’un mauvais écrivain et un con, est régulièrement et pathétiquement la proie de bouffées de nostalgie existentielles, imaginant qu’il lâche tout pour s’enfuir seul et vivre en Italie, où il a ses racines.
Chronique alerte et pathétique d’une déconfiture déjà amorcée professionnellement et qui se poursuit sur le plan familial, contée d’une plume talentueuse (avec quelques morceaux de bravoure emblématiques, comme celui où le narrateur et Stupide, descendant vers la plage, croisent dans la rue où ils sont laissés en liberté tous les chiens à l’image du beau petit monde de ce quartier huppé), « Mon chien Stupide » s’avère une comédie de mœurs à mon sens bien plus tragique que comique : si on y rit, c’est toujours jaune et les larmes ne sont pas loin. La farce d’une vie au final ratée s’y déploie sous nos yeux et derrière le sarcasme et l’outrance, voire le grotesque, l’amertume est réelle.
« Mon chien Stupide« , John FANTE
Titre original My Dog Stupid in West of Rome (1985)
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent (1987)
Editions 10/18 (188 p)
C’est mon premier Fante, et j’ai suffisamment aimé pour renouveler l’expérience (avec Le vin de jeunesse et Demande à la poussière). C’est certes drôle, mais aussi plus profond qu’il n’y paraît de prime abord…
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J’avais détesté ce livre
Lu en 2012 ! Merci le blog
http://l-echo-des-ecuries.over-blog.com/article-mon-chien-stupide-john-fante-112805346.html
Hasard , j’ai trouvé « le vin de la jeunesse « dans la boîte à livres de mon village cette semaine 🙂
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J’avais vu ta critique en regardant sur Babelio et je me doutais que tu allais réagir à mon billet 😉 !
(j’imagine que tu t’es jetée sur « Le vin de la jeunesse » ^^ !)
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Vu tout ce que j’ai à lire , je vais attendre un peu 🙂
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Mouais … ça ne me dit pas grand chose malgré tout.
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Je te comprends, c’est spécial, quand même !
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Pas du tout accroché !
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Chez moi, ça aurait vraiment pu ne pas le faire, mais malgré un démarrage en mode « mais-c’est-quoi-ce-bouquin ?! », c’est finalement plutôt bien passé !
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J’ai lu et aimé quelques Fante il y a un certain temps (avant le blog en tout cas) mais quand j’ai essayé d’en relire un, ça m’est tombé des mains… Je ne me l’explique pas ! 😉
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J’ai eu une expérience similaire avec Herman Hesse (sa lecture remontait pour moi à quand j’avais vingt ans, donc loin … ) pas plus tard que l’année dernière …
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tiens, je viens de commencer Pleins de vie! J’avais adoré Demande à la poussière… Il me reste à lire celui-là (et tous ses autres!)
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Tiens, je voulais absolument le lire, et puis maintenant et surtout à lire les commentaires aussi, je ne suis plus trop sûre.
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Tu m’étonnes 😀 !
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De lui « demande à la poussière » avait fini en lecture diagonale, mais un ami m’avait conseillé celui-ci mais je ne l’ai pas encore fait, mais je retiendrai que les premières pages sont chiantes et qu’il faut persévérer 😉
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Pas sûr que tu les trouves comme tu dis, peut-être qu’elles te feront rire ! Je suis curieuse de voir (avec l’impression, a priori, que le bouquin te plaira) !
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Yapuka ! Comme avec 1.000 autres, environ 😆
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C’est vrai qu’au début, on se demande un peu où on est tombé ! Mais j’ai bien ri, finalement, et pas toujours jaune.
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