Projection

© Gabriel Augusto

Son corps se tend, lancé vers le ciel, un pied ancré au sol et l’autre projeté en avant, ses mains largement ouvertes en offrande, elle danse. Elle danse et tout s’efface, la carrière sablonneuse autour d’elle et les broussailles environnantes. Demeurent le mouvement et le saut, la joie et la célébration. Le mouvement comme action de grâces, hymne à son corps bondissant, louange au soleil sur sa peau. Elle danse et plus rien n’a de sens que ce moment saisi, palpitant dans la chaleur sèche de l’après-midi. Elle a appris à goûter intensément ces éphémères vibrations de bonheur.

La voix dans son casque annonce, mélodieuse : « Une minute avant déconnexion » et le compte à rebours s’affiche au coin de son œil droit.
Elle prend le temps de murmurer un au revoir à Isadora, son bel avatar.

Puis l’infirmière arrive et récupère l’appareillage d’Immersion en Réalité Virtuelle, s’excusant comme à chaque fois que le temps imparti soit déjà écoulé. Elles échangent quelques mots. Parler est une chose qu’elle peut encore faire. Maintenant que l’infirmière a quitté la chambre, elle est seule, jette un œil par la fenêtre. Elle va prendre l’ascenseur et descendre se promener dans les allées. De ses deux doigts restés valides, elle actionne les commandes de son fauteuil. Elle sait que, une fois en bas et même sans IRV, elle se rêvera en Isadora foulant les pelouses du parc : elle fermera les yeux et s’en ira. L’imagination, c’est une des dernières choses qui lui restent.
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Texte rédigé dans le cadre de l’atelier d’écriture proposé par Leiloona sur Bricabook (Une photo, quelques mots).