« Malevil », Robert MERLE

France, dans le Périgord – 1977
Parce qu’ils se trouvaient dans la cave du château-fort de Malevil, protégée par la falaise et d’épais murs, en train de mettre du vin en bouteilles, Emmanuel et ses quatre compagnons (Peyssou, Meyssonnier, Colin et Thomas), ainsi que la vieille Menon et son fils handicapé mental, Momo, ont survécu à la bombe (« propre », au lithium) qui a rayé la France de la carte. Passé l’état de faiblesse extrême dans lequel ils se sont trouvés, car la température dans la cave est montée à 70 degrés, c’est en effet la sidération : autour, tout a brûlé, la nature et les hommes …

J’ai lu ce livre au début de l’été, dans le cadre de mon Challenge Pavé de l’été et, depuis, je traîne à rédiger ce billet, découragée je crois par tout ce qu’il y aurait à dire sur ce roman, mais tant pis, à vouloir trop bien faire je suis bien partie pour ne rien faire, donc je serai concise.

C’est ma cadette, Ariane, qui avait lu le livre dans le cadre du Challenge en 2019 et me l’avait laissé. Il faut dire que Robert Merle n’est pas un inconnu pour elle, ni pour sa sœur aînée : toutes deux ont, comme moi, aimé « Un animal doué de raison » et aussi « Le propre de l’homme », les deux s’intéressant de près à l’intelligence animale envisagée d’un point de vue prospectif, avec un dauphin dans le premier cas et un chimpanzé dans le second. Robert Merle (1908 – 2004), auteur prolifique, a écrit bien d’autres romans, dont « Week-end à Zuydcotte » (prix Goncourt), qui m’avait marquée. Dans la dernière partie de sa vie, il a bifurqué vers les romans historiques avec sa série « Fortune de France » (7 tomes publiés à partir de 1977, je les voyais surgir au fur et à mesure chez mon oncle et ma tante), qui connut à sa parution un grand succès (ce qui m’a fait pester car je n’étais absolument pas attirée par le genre … jusqu’à il y a peu, lorsque j’ai dévoré les gros premiers volumes de la série, malgré les doutes que je nourris quant à la vraisemblance de la reconstitution linguistique).

A la parution de « Malevil », en 1972, les États commencent à peine à sortir de l’équilibre de la terreur, basé sur la puissance de l’arme nucléaire et les risques qu’elle faisait courir à la population mondiale. « Malevil » reflète l’angoisse de l’époque et fait partie des premiers récits post-apocalyptiques. On y retrouvera quelques thèmes classiques du genre : comment survivre en autarcie, puisqu’il n’y a plus rien à attendre du reste du monde ; comment faire face à l’irruption, au sein d’une communauté acharnée à assurer sa subsistance, d’éléments extérieurs la menaçant. Pourtant, si péripéties il y a, suffisamment pour que ce roman au nombre de pages imposant ne m’ait jamais ennuyée, ce ne sont pas elles qui constituent le principal centre d’intérêt de l’auteur.
Dans « Malevil », où la narration est assurée à la première personne par Emmanuel, avec quelques interruptions de Thomas, qui vient apporter des précisions voire une autre version à son sens plus objective des événements, ce qui importe est l’humain. Le château-fort donnant son nom au roman est devenu de fait, suite à la catastrophe nucléaire, un microcosme où tout est à reconstruire : agriculture, élevage, puis défense des lieux, à partir du peu qui demeure et des compétences de chacun dans ces domaines et heureusement il y en a.
Robert Merle envisage ainsi « l’après » à hauteur d’hommes. Emmanuel, leader charismatique, entraîne ses compagnons (mais pas que, car Thomas, plus jeune qu’eux, ne fait pas partie du « Cercle » de ses amis d’enfance) sur le chemin difficile des lendemains, en imaginant un collectivisme à leur échelle, où la parole de chacun est écoutée et prise en considération. Seront questionnées, dans ce cadre, aussi bien la place de la femme que celle de la religion (dont la représentation emblématique est sans indulgence). Emmanuel est avant tout un pragmatique, suffisamment intelligent et malin pour s’adapter et faire les compromis (Thomas parlerait de compromissions, mais on n’est pas obligé d’être d’accord avec lui) nécessaires. Et, avec lui, la tolérance n’est pas un vain mot.
« Malevil » est une aventure humaine prenante qui, à son niveau, questionne les structures politiques, au sens large du terme, de nos sociétés : de quoi continuer à lui donner une résonance toujours actuelle.

« Malevil », Robert MERLE
paru en 1972
collection Folio (635 p)

Les avis de : Ariane, TmbM, Le chien critique

13 commentaires sur “« Malevil », Robert MERLE

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  1. J’ai lu ce livre au moins 2 fois quand j’étais jeune. Il a clairement participé à ma fascination pour le postapo. J’ai eu ma période Robert Merle lors de laquelle je m’en suis enquillé pas mal, la plupart de ceux que tu cites (juste les 2 premiers de Fortune de France et pas Week-end à Zuycotte), et aussi La mort est mon métier et L’ile. C’est un très bon écrivain, j’ai l’impression qu’il est un peu tombé dans l’oubli.

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    1. C’est aussi l’impression que j’ai et c’est dommage.
      De mon côté, j’ai contribué à le faire connaître de la jeune génération en « transmettant » à mes filles « Un animal doué de raison », pour lequel j’ai un attachement tout particulier.
      Je suis quasiment sûre d’avoir lu « La mort est mon métier », mais ça fait trèèès longtemps. Pour « Malevil », étonnamment, je ne l’avais pas lu (mon post-apo s’était limité à « Ravage » de Barjavel).
      Ariane m’a laissé « L’île », qu’elle avait lu aussi après « Malevil » et ce sera sûrement un de mes pavés estivaux dans les prochaines années.

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    1. Ah, l’épreuve de la relecture, des années après ! J’ai eu une mauvaise expérience avec un livre dont je me souvenais que je l’avais beaucoup aimé … et qui a fait flop quand j’ai essayé de le relire (et peut-être pas une question de génération mais plutôt d’âge de lecture, puisque ma cadette l’a aussi beaucoup aimé, comme moi à son âge).

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  2. J’étais passée à côté de ce billet… J’ai eu aussi ma période Robert Merle, et j’ai gardé des souvenirs forts de plusieurs de ses titres, comme La mort est mon métier, et comme toi Week-end à Zuydcoote, Un animal doué de raison… Malevil aussi m’avait marquée et c’est un roman que j’aimerais relire.

    Je récupère par ailleurs ton lien, car ce billet rentre dans l’activité « lire autour du handicap » que je co-anime avec Eva et Patrice jusqu’en fin d’année ! (https://bookin-ingannmic.blogspot.com/2021/04/lectures-autour-du-handicap-le.html)

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