« La fontaine pétrifiante », Christopher PRIEST

fontaine pétrifianteCoup sur coup, Peter Sinclair, vingt-neuf ans, a perdu son père, son travail, puis Gracia, celle qu’il aimait. Mais la chance met sur son chemin un ancien ami de la famille, Edwin Miller. Celui-ci l’invite à venir s’installer gracieusement dans un cottage qu’il vient d’acheter, à charge pour le jeune homme d’en assurer la remise en état.
Peter prend possession des lieux, commence à nettoyer la maison et le jardin, puis repeint la grande pièce du rez-de-chaussée. Dans celle qu’il appelle désormais sa « pièce blanche », il entreprend de mettre de l’ordre dans sa vie en s’adonnant à la rédaction de ses mémoires :
« J’étais devenu vague et diffus. Je ne pouvais regagner le sens de mon identité qu’à travers mes souvenirs ».
Mais le tour que prennent ses écrits ne lui convient pas, l’ensemble est trop fragmenté pour s’avérer porteur de sens. En réalité, se dit-il, « La vie est désorganisée, elle manque de forme, elle manque d’intrigue ».
Il décide donc de passer par le prisme de la fiction et des trucages qui vont avec pour la présenter. Et le résultat est là : « La vérité était servie aux dépens de l’exactitude des faits, mais c’était une forme plus haute, plus précieuse de vérité. » De quoi lui permettre, juge-t-il, d’apprendre à mieux se connaître.
Mais alors qu’il n’est qu’à dix pages de la fin de son manuscrit, sa sœur Félicité fait irruption dans son refuge…

Je ne vous ai présenté ici que les 50 premières pages du roman. Sa suite vous entraînera, notamment, sur les chemins imaginaires qu’a empruntés l’autobiographie du narrateur : Londres n’y existe pas mais il y est question de Jethra et de l’Archipel du Rêve, au sein duquel fourmillent nombre d’îles surprenantes. L’une d’elles, Collago, sera la destination de Peter, heureux gagnant d’une loterie extraordinairement prisée…

Etrange périple que cette immersion dans « La fontaine pétrifiante« , où le lecteur finit par s’égarer d’une réalité à l’autre, ne sachant plus qui ou quoi croire. Le narrateur est-il fiable (il n’est pas interdit de s’interroger sur sa santé mentale) ? Des récits qui nous sont livrés, lequel est « vrai » (mais qu’est-ce que le vrai, au juste ?) ? Les réalités qui nous sont données à voir se font écho, la mise en abyme se prolonge à tel point qu’on s’interroge sur leur possible coexistence.
J’ai beaucoup aimé la construction troublante du roman, l’histoire inventée s’imbriquant dans l’histoire initiale au point qu’on doute du point de vue qu’il convient d’adopter car les fils narratifs ne cessent de s’emmêler. L’aperçu sur les îles, au nombre infini, données comme des espaces hors du temps où le voyageur doit pouvoir se trouver lui-même, est fascinant.

« La fontaine pétrifiante » est un roman qui, sous couvert de nous entraîner dans les labyrinthes de l’imaginaire, fait la part belle à l’introspection. C’est là son principal intérêt, mais aussi, pour ce qui me concerne, sa limite, car je pensais (vous savez, ma mauvaise habitude de rêver le livre avant de le lire !) qu’il aurait une dimension autre, plus socio-politique (grâce aux pérégrinations à travers les îles), alors qu’il est avant tout centré sur un individu et sa quête de lui-même, en même temps que sur sa difficile relation avec Gracia.
Il reste que j’ai eu plaisir à me perdre auprès de suivre Peter Sinclair dans le cours tourmenté de son (ses) existence(s). De l’auteur, je préfère cependant les romans que j’avais lus avant (« Le Prestige » et « Le monde inverti« ), mais c’est une affaire de goût.

J'ai bien aimé !« La fontaine pétrifiante« , Christopher PRIESTLogo le mois anglais
Titre original The Affirmation (1981)
Traduit de l’anglais par Jacques Chambon
Gallimard Folio SF (367 p)

L’avis de Cachou.

10 commentaires sur “« La fontaine pétrifiante », Christopher PRIEST

Ajouter un commentaire

  1. Tu confirmes l’impression que m’a fait cet auteur. Je n’est lu qu’un livre de Christopher Priest, « Une femme sans histoire », mais je n’ai pas été convaincu. Son jeu avec la fiction me séduit, mais ce que j’ai lu de lui n’est pas à la hauteur de ce beau projet. Il faudra que j’essaye un de ses livres plus connus.

    J’aime

  2. J’ai lu ‘La séparation’, ‘Le prestige’ et ‘L’adjacent’ (dans cet ordre) mais on m’a conseillé la fontaine pétrifiante. Par contre, la dimension socio-politique risque de me faire un peu peur. J’irai peut-être davantage vers Le monde inverti.

    J’aime

    1. Acr0, tu as lu ma phrase un peu vite, je crois, puisque justement j’ai regretté qu’il n’y ait pas vraiment de dimension socio-politique (donc tu n’as pas de crainte à avoir de ce côté-là 🙂 ).

      J’aime

      1. Oups, je suis désolée 😉 De toute façon, j’avais dans l’idée de le garder dans ma liste de souhaits même si j’ai lu la phrase de travers (je reste curieuse)

        J’aime

  3. Aah de la SF anglaise ! Voilà qui est intéressant ! Enfin, le côté introspectif aurait tendance à m’inquiéter un peu mais je note cet auteur pour d’autres titres qui me parleraient peut-être plus.

    J’aime

Un commentaire ? N'hésitez pas !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Un Site WordPress.com.

Retour en haut ↑