« L’école aux oiseaux », Claire BEAMS

Présentation de l’éditeur :
« Personne ne l’a jamais entrepris, personne. Modeler des filles en femmes capables de devenir la meilleure version d’elles-mêmes. »
Une école de filles. Voilà ce que Samuel Hood, philosophe et essayiste visionnaire, souhaite créer dans sa ferme isolée. Avec l’aide de David, son disciple, il compte forger une nouvelle génération de femmes instruites et capables de réfléchir par elles-mêmes. Une idée révolutionnaire, dans la Nouvelle-Angleterre du XIXe siècle. Sa propre fille a de sérieux doutes. Son éducation non conventionnelle ne l’a-t-elle pas laissée en marge de la société ?
Caroline accepte pourtant d’enseigner la littérature aux huit adolescentes. Mais très vite, celles-ci commencent à manifester des symptômes étranges. Sans parler des mystérieux oiseaux rouges qui envahissent la campagne environnante… Alors que les hommes continuent de dicter leurs règles, Caroline devra défier tout ce qui a jusque-là régi sa vie et son corps pour se sauver et sauver ses jeunes protégées.


Si, comme moi, vous cherchez un roman hors des sentiers battus, êtes amatrice de récits du 19ème siècle à l’ambiance un peu mystérieuse, alors « L’école aux oiseaux » devrait vous plaire.
La naissance de cette nouvelle école des femmes se situe à l’ombre d’un récit antérieur, qui ne nous sera dévoilé que par allusions : celui de l’émergence puis du déclin, en seulement une paire d’années, d’une communauté atypique, « Birch Hill » au sein de laquelle Caroline a vécu et sa mère a trouvé la mort. D’elle et du groupe, il est question dans un roman polémique paru depuis. Son auteur, Miles Bells, maintenant mort et qui dans ses pages la présente à sa manière, faisait partie de cette petite collectivité. Eliza, sa fille, rejoint l’école sous l’œil inquiet et suspicieux de Caroline.
La présence des oiseaux rouges, venus d’on ne sait où et dont le comportement parfois étrange l’inquiète, contribue à l’ambiance oppressante des lieux telle que Caroline la ressent.
Celle-ci voit par ailleurs arriver avec un intérêt particulier David, jeune homme disciple de son père devant enseigner à leurs côtés. Sur lui comme sur tout ce qui l’entoure, elle porte un regard perspicace et critique, chargé du poids des connaissances déjà acquises au fil de son existence atypique mais déjà enclin à s’en affranchir. Les incidents et la manière dont les élèves, progressivement sous l’emprise d’Eliza, y réagissent, vont la pousser dans ses retranchements.

« L’école aux oiseaux », roman original et prenant, suit avec bonheur la lente évolution d’une jeune femme contrainte par des circonstances devenues odieuses à conquérir une liberté que son éducation lui avait soi-disant offerte : une réussite !

Extraits :

Personne ne l’a jamais entrepris, personne. Modeler des filles en femmes capables de devenir la meilleure version d’elles-mêmes, de véritables partenaires pour leur mari, de véritables mères pour leurs enfants. Notre école sera une quête du divin au sien de l’humain. Nous enseignerons la réflexion plutôt que la couture, la grâce physique ou l’érudition de salon. Nous leur montrerons comment déchiffrer le texte du monde naturel.


– Leur âme est notre objectif, pas notre matière. L’essentiel de leur instruction sera fait de lectures et de conversations à propos de ces lectures, comme c’est le cas quand on instruit des garçons. De la littérature, du raisonne ment moral, de la réflexion scientifique.
– Et des mathématiques, ajouta David
– Oui.
Samuel avait tendance à oublier les mathématiques, qui seraient enseignées par David. Elles n’avaient jamais été son fort : il y avait trop de règles quant à la manipulation des nombres.
– Mais elles ne seront pas des garçons, rappela Caroline.
Elle avait beau le lui répéter, elle n’était jamais certaine qu’il l’ait entendue.
– L’âme n’a pas de sexe, rétorqua Samuel. C’est ce que nous allons montrer au monde.
Pendant sa promenade, ce soir-là, Caroline pensa à cette âme sans sexe. L’idée avait quelque chose de glaçant, comme l’air tapi à présent dans la pénombre sous les arbres, avant-goût de l’automne. Caroline n’avait en réalité aucun moyen d’évaluer sa véracité. Elle savait juste que sa vie, elle, avait un sexe.

« L’école aux oiseaux », Claire BEAMS
titre original The Illness Lesson (2020)
traduit de l’anglais (États-Unis) par Chloé Royer
éditions Les Presses de la Cité (352 p)
paru en mai 2023

10 commentaires sur “« L’école aux oiseaux », Claire BEAMS

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    1. Ah, je suis contente que tu aies lu cet extrait !
      Le sexe (au sens large, pas celui de l’âme) tient sa place dans le roman mais de manière souterraine, enfin comme l’eau souterraine qui peut miner des fondations…

      J’aime

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