« Dans les pas du fils », Renaud et Tom François

dans-les-pas-du-filsA partir du moment où j’ai su que le dernier Laurent Mauvignier, « Continuer », s’inspirait d’une histoire vraie qui avait elle-même donné lieu à un livre-témoignage des deux protagonistes, je me suis dit que, tant qu’à faire, c’est plutôt cet ouvrage-ci que je lirais. Et comme la lecture des premières pages m’a tout de suite accrochée, j’ai accompagné Renaud (le père) et Tom (le fils) jusqu’au Kirghizstan, pour un périple équestre de trois mois censé à terme les reconnecter.

Rien n’est gagné d’avance entre ces deux-là, que la séparation du couple Renaud-Valérie, alliée aux longs déplacements à l’étranger de Renaud, a éloignés depuis un bon moment. Du côté de Tom, les signaux d’alerte sont au rouge : il redouble sa première et ne fiche rien, il est agressif avec les profs et accro à ses doses de cannabis. L’idée de Renaud, acceptée par Valérie et le corps enseignant, est donc d’extraire Tom de son milieu et de le confronter à un environnement radicalement étranger pour qu’il reprenne ses marques. Randonner à cheval mettra le père et le fils à égalité car aucun des deux n’est cavalier.
« Le contact avec la nature sauvage et la solitude m’ont renforcé dans l’idée que Tom avait besoin d’une rupture, de quelque chose d’original qui transformerait nos rapports. Une sorte de voyage initiatique, à la fois pour améliorer notre relation et pour le faire grandir, le faire passer de l’adolescence à l’âge adulte. […] Dans notre société déconnectée du monde réel où l’argent a remplacé les rêves, où l’on parle d’écologie comme d’un concept, nous sommes nombreux à chercher des solutions d’éducation alternative pour aider nos enfants à devenir adultes, à affronter le monde et à vivre heureux. »

« Dans les pas du fils » est un document passionnant, autant pour les relations entre le père et le fils que pour la découverte du Kirghizstan et qui se lit comme un roman. Des semaines de préparation (où la passivité de Tom manifeste son hostilité au projet) à celles qui suivront le (difficile) retour en France, l’aventure est narrée chronologiquement par le père et le fils qui prennent la parole alternativement. Pas de langue de bois, les choses sont dites telles qu’elles ont été vécues et ressenties et tout sonne vrai. On constate à quel point le pari de Renaud était fou (c’est ainsi qu’il le qualifie) quand on mesure l’agressivité de Tom (verbale mais aussi, à un moment, physique) à son égard. On se dit qu’il va bien finir par se passer quelque chose entre eux deux (sinon il n’y aurait sans doute pas eu de livre) mais le rapprochement sera lent et, pour ce qui concerne Tom, l’éventualité d’une rechute réelle lorsqu’il réintègrera le lycée et retrouvera ses amis.

Au final, le bilan de l’expérience s’avèrera plus que positif, mais (Renaud en a conscience sur place) l’équipée était quand même à haut risque car n’importe quel accident aurait pu la faire capoter (bon, me direz-vous, si on mesurait tous les dangers courus, on ne partirait jamais à l’aventure !). Chacun en a tiré profit, non seulement le fils, mais aussi le père :
« Je n’imaginais pas à quel point cette épreuve allait le transformer et, par la même occasion, me changer et m’apaiser. Tom m’a beaucoup appris sur moi-même. Avec le recul, j’ai le sentiment qu’en ayant aidé mon fils, j’ai soigné mon enfant intérieur. »

Extraits :

– A aucun moment on ne m’a dit : si votre fils ne va pas bien, il va falloir travailler sur vous-même si vous voulez qu’il aille mieux. On charge trop le gamin, j’en suis intimement convaincu. Or cette situation est révélatrice d’une souffrance familiale. Il est donc indispensable que moi, en tant que parent, je sois directement impliqué dans cette démarche.

– Tout autour de nous, la nature fait silence et nous sommes au bout du monde en train de nous dire des vérités jusque-là truquées par les uns, par les autres et par nous-mêmes. Je rêvais de moments comme celui-ci, et il a fallu qu’on parte seuls pendant un mois pour commencer à échanger. J’espère qu’il y aura d’autres occasions car nous avons encre tant de choses à nous dire. Dans les familles, les vérités cachées, ça ne manque pas. Nous sommes nombreux à porter des masques, face à nos parents ou à nos enfants, par crainte qu’ils ne voient nos souffrances, nos peurs et nos culpabilités.

– Je reste surpris de le voir s’intégrer si facilement à la vie de ce pays, même dans les situations les moins confortables. Où est le Tom qui traînait au lit, qui refusait de se lever avant onze heures, qui languissait sur le canapé, qui refusait de participer aux activités familiales ? Ce Tom-là a disparu et je découvre une nouvelle facette de mon fils.

J'ai beaucoup aimé !« Dans les pas du fils », Renaud et Tom François (avec Denis Labayle)
Editions Kero (256 p)
Paru en mai 2016
Lu en numérique via NetGalley

18 commentaires sur “« Dans les pas du fils », Renaud et Tom François

Ajouter un commentaire

    1. Elles ne sont pas incompatibles mais, même si découvrir la manière dont l’écrivain s’est approprié l’histoire présente un certain intérêt, je n’ai pas forcément envie de lire coup sur coup deux textes portant sur la même thématique.

      J’aime

  1. Cel paraît effectivement passionnant et riche d’enseignement pour tout parent. D’autant que je suis intimement convaincue du bien-fondé de la première des trois citations que tu nous offres. Je pense en effet que les parents doivent aussi – et j’insiste sur le « aussi », il ne s’agit pas de se culpabiliser à outrance – se remettre en question et que tout ne repose pas sur les épaules du seul enfant.

    J’aime

    1. En ce qui concerne le père, ici, il a une histoire personnelle assez lourde pour ce qui est de sa propre jeunesse et la mettre au jour auprès de son fils constituera une étape importante dans l’évolution de leurs relations.

      J’aime

  2. Voilà qui semble tout à fait intéressant. Je n’avais pas trop l’intention de lire le Mauvignier (à cause de toutes les critiques négatives), mais celui-ci me tente davantage.

    J’aime

    1. J’avais lu il y a quelque temps les premières pages du Mauvignier (extrait en version numérique) et n’avais pas accroché plus que cela, alors que là j’ai été ferrée directement.

      J’aime

  3. Il me semble effectivement plus contrasté donc plus réaliste que Continuer. Maintenant, il faudrait que je le lise pour savoir si la forme et le style sont à la hauteur de Mauvignier. Expérience tentante

    J’aime

    1. Je pense qu’il ne faut surtout pas comparer la forme et le style avec ceux de Mauvignier : le père et le fils ne sont pas écrivains, eux, d’ailleurs ils se sont fait aider (par Denis Labayle) pour rédiger ce livre. Ils n’ont pas prétention à faire œuvre littéraire : ils offrent un témoignage.

      J’aime

  4. J’ai appris très récemment l’existence de ce témoignage que je n’ai pas (encore) lu. Mais j’ai lu Continuer de Mauvignier que j’ai vraiment beaucoup aimé. Je n’ai pas nécessairement envie de lire tout de suite une histoire aussi proche, mais je prends note de ce récit, merci pour ce partage.

    J’aime

Un commentaire ? N'hésitez pas !

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Un Site WordPress.com.

Retour en haut ↑