« Et rester vivant », Jean-Philippe BLONDEL

« Personne ne perd son frère et sa mère, puis quatre ans plus tard son père – à l’âge de vingt-deux ans.
Ça n’arrive jamais, ce genre de choses. Même dans les romans. »
C’est pourtant ce qui arrive à l’auteur à l’été 1986.
Alors, parce qu’il lui semble nécessaire d’agir ainsi, de faire table rase du passé pour écrire, peut-être, un avenir, il vend tout ce dont il a hérité et part avec ses deux amis, Laure et Samuel, vers une Californie mythique et plus précisément vers Morro Bay, attiré vers ce lieu par une chanson de Lloyd Cole qu’il écoute en boucle.

Des mots et des instants revenus du passé, des bribes de souvenirs enfin autorisés à être mis au jour, à naître à l’écriture, à se frayer un chemin vers ces pages que nous, lecteurs, parcourons, comme le narrateur parcourait alors dans une Thunderbird de location les kilomètres le séparant de celui qu’il voudrait ou pourrait ou non devenir. Des couleurs aussi, celles qui finissent par réapparaître, terrassant noir, blanc ou gris dans lequel il s’était englué. Et des larmes, parfois, qui prennent à l’improviste.
L’écriture colle au ressenti, aux brusqueries du réel affronté, à ces moments qui, à peine vécus, sombrent déjà dans l’oubli mais aussi à ceux qui, soudain, redonnent tout son poids au seul fait d’être vivant.
J’ai lu ce livre d’une traite, vivant l’espace d’un été les vingt-deux ans d’un jeune homme propulsé hors de toute trajectoire et frayant tant bien que mal son propre chemin dans le monde des vivants, serré contre ces deux qui l’aiment et l’accompagnent, au fil de quelques rencontres de hasard par des lieux étrangers confrontés à leur vision fantasmée.
C’est l’histoire d’un jeune homme et c’est aussi la nôtre, puisque le drame individuel, au-delà de ce qu’il a de littéralement incroyable, touche à l’essentiel, pourquoi nous sommes là, finalement, pourquoi nous avons décidé de continuer à avancer, conférant à ce témoignage individuel une dimension qui, je trouve, le dépasse en éveillant en nous nos propres résonances.
Un texte prenant-attachant, un livre « hommage », ainsi que le qualifie son auteur, d’une extraordinaire justesse de ton.

« Et rester vivant », Jean-Philippe BLONDEL
Editions Buchet Chastel (245 p)
Paru en septembre 2011

35 commentaires sur “« Et rester vivant », Jean-Philippe BLONDEL

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  1. Incroyable ! C’est un livre que je viens d’acheter et que je vais lire dès que j’aurai fini celui en cours. Je ne lis donc pas ton commentaire… J’y reviendrai plus tard.

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    1. C’est vrai que notre perception d’une lecture dépend aussi du contexte, dont la lecture précédente fait partie. Pour ce livre-ci, je me demande si ce qui n’a pas fonctionné la première fois peut mieux passer la deuxième… Mais tu nous le diras !

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    1. Il ne me tentait pas non plus. Puis il y a eu des billets élogieux. Et aussi celui de Cathulu, que le livre n’avait pas vraiment atteinte, donc j’ai eu envie de me faire ma propre opinion. Et, là-dessus, ma soeur m’a dit qu’elle venait de le lire et avait beaucoup aimé, ce qui a achevé de me donner envie de m’y risquer à mon tour.

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  2. J’ai aimé, c’est très touchant, bien écrit, sans pathos. Mais j’ai un problème avec Blondel. J’ai vraiment l’impression que ce roman, comme le précédent que j’ai lu « G229 », de par leur construction sous forme de flash back, de petites scénettes, ne me laisseront pas un grand souvenir. J’ai l’impression qu’il ne faut une vraie histoire construite pour mieux garder des livres en mémoire. C’est dommage, car ce roman mériterait mieux je pense.

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    1. Ah, tu vois, c’est marrant, parce que moi, justement, j’ai l’impression que je m’en souviendrai, de ces scénettes, ou qu’au moins certaines d’entre elles me resteront en mémoire.
      Bon, on en reparle d’ici un an ou deux, pour voir ?!

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  3. Ils sont rares, les billets de lecteurs ou lectrices qui n’ont pas accrochés 🙂 Je crois que cela va être difficile de l’avoir à la biblio sans le réserver (bon, ça, c’est quand ils l’auront acheté ! mdr !)

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    1. Oui, ça dépend de la réactivité de ta biblio en matière d’achats (je constate que, d’une structure à l’autre, il y a des différences sensibles : je pense à la médiathèque où ma soeur travaille, où ils sont particulièrement performants pour acquérir au plus vite des nouveautés de la rentrée littéraire, c’est leurs lecteurs qui ont bien de la chance).

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    1. Ce n’est pas absurde du tout ! Moi aussi, je n’étais pas sûre que ce livre me parlerait. Mais j’ai lu les premières pages et cette manière de dire les choses me convenait (et elle ne conviendra pas à tout le monde, le contraire serait étonnant).

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    1. Franchement, après « Le baby-sitter » et « Blog », qui ne m’avaient pas accrochée, je me disais exactement la même chose…
      Bon, de là à dire que tu serais, comme moi, plus réceptive à ce livre-ci, il y a un pas que je ne franchirai pas, c’est bien trop imprévisible, ce genre de choses.

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  4. Apparemment c’est un livre qu’on ne lâche plus avant de le terminer … Je ne voulais pas le lire, vu son sujet, mais vu les billes écrits dessus, je vais devoir le faire ! 😉

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    1. C’est un livre court et je trouve que, une fois qu’on est dedans, immergé dans cette vie qui n’est pas la nôtre (mais un petit peu quand même), on veut savoir comment l’auteur a franchi cette étape douloureuse de sa vie.

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  5. De mon côté, il m’intéresse, mais j’aimerais mieux lire les livres de Delphine de Vigan et Laurence Tardieu avant : une part autobiographique mais aussi une matière à la réflexion sur l’écriture, très forte, très intéressante et très belle, paraît-il… La première vient à Lille (au Furet) ce vendredi 30 septembre… je vais y aller !

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    1. C’est autobiographique (cf « c’est pourtant ce qui arrive à l’auteur à l’été 1986« ), d’ailleurs je l’ai classé en littérature française + récits de vie(s).

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