
Luttant contre le froid, Riopelle a réussi à franchir la frontière canado-américaine pour rejoindre, dans le Maine, un camp d’entraînement de ses pairs écowarriors. Sur place, il retrouve celui qui fut son mentor, Marius, et fait la connaissance d’autres camarades, eux aussi sous pseudonymes, puisque Riopelle s’appelle maintenant Robin. La mission de leur groupe de combattants pacifiques pour l’écologie est de préparer, comme d’autres groupes militants travaillant aussi de leur côté, l’opération Bivouac. Elle est destinée à stopper le projet, soutenu par les lobbies des compagnies forestières et pétrolières, d’oléoduc Patriot-Pipeline : il doit traverser les forêts québecoises du Kamouraska et du Bas-Saint-Laurent, en procédant au passage à de vastes coupes à blanc.
De leur côté, Anouk et sa compagne ont quitté leur yourte pour rejoindre quelque temps une communauté fermière que Raphaëlle connaît bien. Sur place, elles pourront faire les conserves dont elles auront besoin pour la saison hivernale.
Tandis que Riopelle se passionne pour les nombreuses tâches dévolues à son groupe (mais n’oublie pas la brève et intense liaison qu’il a eue avec la « femme-renard », alias Anouk, qu’il espère revoir puisque sa mission le conduira sur les terres où elle vit), Anouk s’adapte plus ou moins à la vie en collectivité et n’est pas insensible à un certain Valentin.
Sans le savoir, j’ai pris le train en marche (plus exactement j’ai sauté dedans pour parcourir la dernière étape), puisque « Bivouac » est le dernier volet de la trilogie commencée avec « Encabanée » et poursuivie avec « Sauvagines ». Je connaissais les deux romans et leur auteure de réputation, mais c’est ce dernier opus qui m’a poussée à franchir le pas, parce que j’avais noté la place qu’y tenait le thème du combat écologique (et parce que je n’avais pas saisi que les personnages étaient récurrents).
Heureusement, il y avait suffisamment de rappels des épisodes passés pour que je comprenne ce qu’avaient vécu lesdits personnages auparavant. Donc si vous voulez faire comme moi parce que ce titre vous attire davantage, vous pouvez y aller.
Autant j’ai accroché tout de suite au parcours de l’écowarrior Riopelle, autant j’ai eu du mal à m’intéresser aux tribulations et surtout aux émois de cœur et de corps d’Anouk et Raphaëlle, dont je ne pensais pas qu’ils occuperaient autant de place. Déjà, ça a mal démarré pour moi, Anouk se racontant avec des « mon amoureuse » par ci et « mon amoureuse » par là … Bon, leur vie dans la petite collectivité agricole permettant de saisir le fonctionnement de celle-ci, pourquoi pas, mais Anouk qui s’est pris une chambre toute seule, justement celle qui était à Valentin avant, et d’ailleurs Valentin, il est plutôt beau gosse mais elle aime Raphaëlle, et comment elle va gérer ça (plus loin, la question se posera avec Riopelle/Robin, avec du sentiment en plus) : ben moi, pour tout vous dire, je m’en fichais complètement, vu que ce qui m’intéressait, c’était comment lutter contre l’oléoduc !
De ce côté-là, je n’ai pas été déçue : sans être un manuel de combat écologique, « Bivouac » permet d’approcher de près l’organisation d’une opération d’envergure dans ce domaine en en appréhendant les différents contours, tant dans leur aspect méthodologique que pratique, le tout sans perdre de vue l’éthique du mouvement et, en son sein, la pensée critique.
Anouk et Raphaëlle finissent par quitter la communauté fermière, ce qui m’a permis de mieux apprécier leurs personnalités et leur attachement viscéral à leur environnement, je pense en particulier à un passage où Anouk observe les gens qui l’entourent et se montre hypersensible à tous leurs gestes quotidiens non respectueux de celui-ci.
Enfin, accompagnant les efforts joints des trois personnages pour lutter contre le projet d’oléoduc, l’histoire prend un tour de plus en plus tendu, tragiquement réaliste mais l’espoir demeure.
« Bivouac », belle immersion dans les paysages de l’est du Québec, n’occulte rien des dangers actuels courus par celui-ci, en évoquant notamment les incendies le menaçant. Porté par trois figures romanesques s’impliquant corps et âme dans leur lutte, le roman illustre efficacement ce que des citoyens peuvent faire pour tenter de préserver leur environnement, face aux menées de sociétés et gouvernements obnubilés par les gains à court terme.
C’est cet aspect de combat écologique qui m’a conduite à le lire, parce que je le trouve plus pertinent que le repli sur soi en s’« encabanant », comme le fait Anouk dans le premier volet de la trilogie. Même si le roman s’attarde à mon sens un peu trop sur les relations sentimentales et sexuelles entre les trois protagonistes, je l’ai apprécié.
Ah, j’allais oublier : « Bivouac » fleure bon le québecois, manié avec gourmandise par l’auteure mais sans pour autant nous désarçonner, nous autres petits frenchies (et si on n’a pas deviné le sens de certains mots ou expressions, ce qui fut mon cas, on a un glossaire à la fin).

« Bivouac », Gabrielle FILTEAU-CHIBA
éditions Stock (368 p)
paru en février 2023
J’ai repéré ce roman chez Aifelle, il y a peu de temps. Tu me confortes dans mon envie de le lire (malgré le mini bémol).
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Je suis d’accord avec toi sur le côté assez lassant des relations amoureuses et sexuelles d’Anouk, mais pour le reste j’ai été très intéressée. Et j’aime l’écriture de l’autrice. Le combat écologique était déjà là dans les deux premiers, sans être aussi développé qu’ici.
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Si tu avais commencé par Encabanée, tu en serais peut-être restée là, comme moi… franchement, entre la critique stérile de la vie dans le béton opposée à la vie dans la forêt, et les amourettes d’Anouk, je me suis enquiquinée !
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Ton commentaire m’a fait rire ! Du coup, je me suis demandé si ton avis faisait partie de ceux qui m’avaient dissuadée de me lancer, mais j’ai vu que tu avais, sans le chroniquer, rangé le roman dans la rubrique « tout ça pour ça »😁 !
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Je pourrais me laisser tenter par ce vent canadien.
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La lutte est en effet l’aspect le plus intéressant de ce roman, ainsi que la Nature, bien sûr.
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J’ai noté « Encabanée » 🙂 une trilogie que j’ai envie de découvrir.
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