
En 1936, la Néerlandaise Truus Wijsmuller a déjà entrepris une démarche qui devait gagner en ampleur par la suite : aller chercher à la frontière allemande des enfants juifs en danger pour leur faire gagner la sécurité des Pays-Bas.
A Vienne, pendant ce temps, la vie s’écoule encore paisiblement pour Stephan et Zofie-Helene. Stephan a quinze ans, il est le fils d’un chocolatier réputé et vit dans une demeure qui a tout d’un palais. Il est passionné par Stefan Zweig et a déjà commencé à écrire des pièces de théâtre. Stephan comme sa famille est juif. Ce n’est pas le cas de son amie Zofie-Helene, surdouée en mathématiques, mais elle est la fille d’une journaliste qui n’a pas sa langue dans la poche et n’aura de cesse de jeter un regard critique sur les événements à venir.
Car lorsque, en mars 1938, Hitler, sans coup férir, fait main basse sur l’Autriche et que les nazis prennent le contrôle du pays en le plaçant sous le joug de l’antisémitisme le plus radical, la vie de Stephan et Zofie-Helene vole en éclats …
« Dernier train pour Londres » s’inspire d’une histoire vraie, celle de la Néerlandaise Truus Wijsmuller (1896 – 1978) et c’est l’une des qualités de ce roman que de nous faire découvrir la figure de cette Juste dont pour ma part j’ignorais l’existence. Elle a été jusqu’à rencontrer Eichmann pour obtenir le transfert d’enfants juifs jusqu’en Angleterre, en décembre 1938, en l’occurrence six cents très exactement, Eichmann ayant annoncé que si le compte n’était pas exact à l’unité près, le transport, prévu à dessein seulement quelques jours après cette entrevue et le jour du shabbat, serait annulé.
L’histoire de ce transport spécifique croise celle de Stephan et Zofie-Helene, jusqu’à ce que les deux fils narratifs se rejoignent.
Je pensais connaître assez bien la période évoquée mais l’éclairage apporté par l’histoire des Kindertransport (transports d’enfants) initiés par Truus Wijsmuller puis par des organisations internationales m’a apporté un complément d’informations très intéressant, outre le fait qu’il pointe à nouveau une triste réalité : quand bien même les juifs voulaient fuir l’Allemagne, encore fallait-il qu’ils trouvent un point de chute et l’antisémitisme était tel, au niveau international, camouflé sous des prétextes d’ordre économique, qu’il devenait quasiment impossible de trouver un pays d’accueil. D’ailleurs, les six cents enfants juifs ne sont acceptés par l’Angleterre, dans le transport dont il est question dans le roman, que parce que cet accueil est provisoire et, surtout, sans accompagnement des parents : le livre montre à quel point ceux-ci étaient donc obligés d’effectuer le choix tragique de perdre leurs enfants pour les sauver. Quant à ces enfants, âgés de cinq à dix-sept ans, ils se voyaient arrachés à leurs foyers pour atterrir en Angleterre dans un camp de vacances pas chauffé, de manière certes provisoire, le temps d’être « choisis » par des couples anglais, mais ce provisoire pouvait durer.
L’autre point à mon sens le plus intéressant du roman, c’est sa description de l’Anschluss et de ses conséquences, vues de l’intérieur de l’Autriche : sous la protection d’Hitler, les nazis autrichiens rejoignent leurs homologues allemands et s’emploient dans la foulée à mettre à mal ce qu’ils considèrent comme étant le pouvoir juif, en privant les juifs de leurs ressources et de leurs emplois, c’est-à-dire, déjà, de leurs vies. Ce ne sont pas des faits que je découvrais, mais je les ai trouvés très bien représentés : au travers des manifestations et comportements de masse et individuels, actifs ou passifs et par le biais de ce qui arrive, plus spécifiquement, à la famille Neuman, parfaite illustration de la spoliation des juifs, ici les plus riches, première étape vers les pires mesures visant à l’extermination de tout un peuple pourtant profondément attaché à et ancré dans son pays (il en allait de même pour les juifs allemands en Allemagne).
« Dernier train pour Londres » est un roman édifiant et sensible, focalisé sur une période de l’Histoire qu’on ne rappellera jamais assez, aussi glaçante que la pire des dystopies.


« Dernier train pour Londres », Meg WAITE CLAYTON
titre original The Last Train to London
traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Oscar Perrin
éditions Les Escales (464 p)
paru en octobre 2022
Repéré chez Livr’escapades
C’est fou ce que l’on peut ressortir encore aujourd’hui comme histoire méconnue. J’ai l’impression que nous n’en ferons jamais le tour. Je note.
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Oui, c’est vrai que ce type de récit nous donne cette impression.
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Je suis ravie qu’il t’ai plu! Il a le grand mérite d’éclairer de façon simple et fluide des aspects encore méconnus de la Deuxième Guerre mondiale.
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Il semble que nous n’aurons jamais fait le tour de la question. Merci pour cette découverte
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Un éclairage qu’il faut que je lise. Merci pour le conseil.
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Merci pour la découverte, je ne connais pas du tout et ça m’intéresse pour le coup !
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Il me tente beaucoup celui-ci, il est dans ma liste de mes envies.
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