Arthur Bramhall, professeur de littérature dépressif qui a fui ses collègues pour se réfugier dans une ancienne ferme, finit par mettre au monde son roman, promis selon lui à devenir un best-seller puisqu’il a fait en sorte d’utiliser toutes les recettes déjà éprouvées en la matière. Mais alors qu’il s’est absenté pour fêter ça au bar du coin, sa maison brûle et le manuscrit avec !
Un an après, il produit un nouveau roman. Toujours intitulé « Désir et destinée », il est à son sens meilleur que le précédent : autant de scènes de sexe mais le livre est plus vrai et proche des forces de la nature. Au moment d’aller chercher du champagne pour célébrer l’événement, il évite de laisser le manuscrit chez lui et le confie donc aux bons soins d’un épicéa, au pied duquel il le cache dans une mallette.
Malheureusement pour lui, un ours a observé son manège, exhume la mallette en pensant qu’elle contient du miel puis, découvrant son contenu, le convertit derechef en dollars et en pots de miel qu’il pourra acheter avec (c’est un ours très gourmand et perpétuellement affamé). Il emporte le manuscrit, se trouve des vêtements, un nom de plume et monte dans un train de marchandises pour New York. Une fois sur place, par le plus grand des hasards, il tombe directement sur un éditeur : c’est le début, pour lui, d’un parcours (pavé de bonnes choses à manger) qui le conduit au succès, lui le nouvel Hemingway !
Un ours écrivain ? C’est ce qu’a imaginé William Kotzwinkle, auteur du roman dont cet album est l’adaptation. Enfin, pour être exact, personne hormis le lecteur n’a l’air de se rendre compte qu’il s’agit d’un ours : l’animal est traité comme s’il était un humain au physique impressionnant, au langage pour le moins limité (mais au fur et à mesure il enregistre des mots) et au comportement (très) particulier … mais après tout, rien de vraiment étonnant chez un écrivain, on voit de tout chez ces gens-là ! Et on voit de tout aussi dans le milieu éditorial et dans ce qui accompagne la publication et l’accompagnement promotionnel d’un auteur, puisque visiblement le propos du livre consiste à en offrir une présentation critique sur le mode caricatural.
Le dispositif est amusant et fonctionne, pour peu qu’on accepte d’entrer dans le jeu : avec un dessinateur comme Kokor (l’auteur de bandes dessinées que j’avais déjà lues et appréciées comme « Coïncidence », « Supplément d’âme » (ma préférée) et « Alexandrin ou l’art de faire des vers à pied ») aux manettes, prompt à nous embarquer dans ses fantaisies, ce n’est pas difficile. Ainsi les premières réflexions de l’ours sont-elles figurées par de petits dessins schématiques pleins d’humour, qui nous en donnent une représentation stylisée mais très compréhensible.
Le comportement des hommes et femmes entourant notre ours-écrivain, quant à lui, est dicté par les attentes et schémas de pensée de chacun, qui voit en lui ce qu’il a envie de trouver. Les journalistes, de leur côté, sont tous prêts à écrire un papier sur le nouveau phénomène littéraire … en ayant seulement lu le communiqué de l’attachée de presse. Ces dames, enfin, sont séduites par l’atypique personnage, prompt à éveiller leur libido. Et tout ce petit monde de l’édition s’accorde pour « commercialiser » au mieux l’auteur-révélation, dont la réussite est synonyme de substantiels bénéfices.
Parallèlement au cheminement triomphal de l’ours, agrémenté de diverses aventures plus ou moins loufoques stigmatisant la société du spectacle, on suit celui de notre romancier dépossédé de son œuvre : à nouveau en proie à une terrible dépression, il est toujours soutenu par son fidèle voisin bûcheron, qui cherche à le remettre en selle en lui fournissant des idées de romans. La suite et fin de ces deux récits n’a pas été celle à laquelle je m’attendais et j’ai apprécié la surprise.
« L’ours est un écrivain comme les autres » nous offre une histoire originale et assez réjouissante : libre adaptation par Kokor du roman éponyme de William Kotzwinkle, cette charge satirique envers le monde littéraire et éditorial et, plus globalement, celui des médias, bénéficie d’une mise en images tout à fait réussie.
« L’ours est un écrivain comme les autres », Alain KOKOR (librement adapté du roman de William Kotwinkle)
Editions Futuropolis (126 p)
Paru en octobre 2019

J’avais beaucoup aimé le roman initial….
J’aimeAimé par 1 personne
Kokor !! Je me réjouis de le lire à nouveau, j’aime son univers, sa sensibilité, son originalité… ❤
J’aimeAimé par 1 personne
ce que tu en dis donne bien envie !
J’aimeAimé par 1 personne
il a l’air franchement drôle en plus de satirique!
J’aimeAimé par 1 personne
Une satire qui pourrait me plaire
J’aimeAimé par 1 personne
Tu me donnes envie de le découvrir, et hop sur la liste!
J’aimeAimé par 1 personne
Kokor, ce poète. (Elle m’attend…)
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai découvert Kokor avec « Alexandrin… » que j’avais adoré ! Je lirai cette bd, c’est sûr.
J’aimeAimé par 1 personne
Je suis plus que convaincue ; il me la faut !
J’aimeAimé par 1 personne
Pourquoi pas…
J’aimeAimé par 1 personne
Les dessins m’attirent mais l’histoire moins mais je me laisserai peut-être tenter un jour 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Bonjou’ Brize, j’ai l’intention de le lire car j’ai beaucoup aimé le roman. Mon ami a lu cette bd et le roman: il a trouvé très bien. Bonne journée.
J’aimeAimé par 1 personne
tu me tentes… ce n’est pas ce que j’aime d’habitude mais ça donne envie de changer 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Pas spécialement attirée aux premiers regards mais j’avoue que tu le vends assez bien 🙂
J’aimeJ’aime
Je ne connais pas Kokor, je pense qu’il faudrait que je m’y mette!
J’aimeAimé par 1 personne
J’avais déjà bien envie de lire le roman, et ton billet me le rappelle. Et ensuite, la BD, qui semble très réussie !
J’aimeAimé par 1 personne