Tu te dis que pour parler de « Trois concerts », tu pourrais faire comme l’auteur, qui use tout du long de ce « tu » de proximité, en suivant le parcours de Clarisse Villain, sa violoncelliste, enchevêtré dans celui de Viktor Sobolevitz son maître et traversé par celui de Rémy Nevel, ambitieux critique musical et pour elle un petit séisme des sens. Tu penses qu’il faudrait reprendre tout le livre pour en voir apparaître clairement la subtile composition, musicale, sans aucun doute, avec un premier thème, une ligne mélodique, celle des Trois Suites que Paul Crespen composa pour Sobolevitz et qu’il ne joua jamais, repris ensuite pour hanter toute la partition. Sobolevitz, violoncelliste d’origine russe (l’auteur rend parfaitement compte des échos de sa langue natale dans son utilisation du français) autrefois adulé puis devenu musicien maudit (et le lecteur veut savoir pourquoi), reclus dans sa misanthropie et qui pourtant accepta de donner des cours à Clarisse, âgée de 7 ans lorsqu’elle le rencontre. Mais Clarisse n’est pas une petite fille comme les autres : les mots se fraient difficilement un chemin chez elle, la musique lui est plus familière mais sa perception si particulière des choses et son attitude peu avenante dressent ses professeurs du Conservatoire contre elle. Dire que Clarisse, à mille lieues d’adopter les codes de communication en vigueur, sera ensuite mal armée pour s’engager dans une carrière de soliste est un euphémisme, dans ce milieu où le paraître occupe de plus en plus de place.
Tu écris cela et tu te rends compte que tu n’as pas encore évoqué le talent de l’auteur pour parler de la musique, celle qui se fait, se joue, se vit. Tu as déjà apprécié cette manière que peut avoir la littérature de se frotter à elle, dans « Une forêt de laine et d’acier » ou dans « Le temps où nous chantions ». Ici encore, tu as été admirative, saisie par la grâce avec laquelle l’écrivain capte pour le retranscrire en mots ce qui semble du seul domaine du son, impressionnée par sa capacité à rendre les couleurs d’une mélodie et les difficultés techniques auxquelles se voit confronté l’instrumentiste, sans parler du supplément d’âme à apporter dans son exécution. Tu constates que, bien que mélomane, ta méconnaissance totale dans ce domaine (la musique côté partitions) te rend sans doute incapable d’apprécier la performance des interprètes à leur juste valeur et tu découvres à quel point l’habillage de la prestation (sa mise en scène, le physique du musicien, sa présence sur les réseaux sociaux etc.) peut aussi influer sur la perception des auditeurs/spectateurs.
Tu es sortie de ce roman enchantée de ce voyage musical, avec une furieuse envie de jouer d’écouter du violoncelle (d’ailleurs tu n’as pas attendu la fin du roman pour le faire). Tu sais que Clarisse Villain, héroïne singulière, te restera longtemps en mémoire et tu vas aussi, désormais, observer d’un œil plus averti tout ce qui concerne la « promotion » des interprètes de la musique classique.
« Trois concerts », Lola GRUBER
Editions Phébus (588 p)
Paru en janvier 2019
Excellente chronique qui donne très envie de lire ce livre. Eh hop le voilà noté.
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Merci, Krol 🙂 ! J’espère qu’il te plaira autant qu’à moi !
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Ce roman est pour moi, c’est clair 😉
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Ah oui ! J’ai pensé à toi en le lisant !
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Joli billet, Brize !
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Merci, Kathel 🙂 ! S’il rend compte du plaisir que j’ai eu à lire ce roman, alors l’objectif est atteint !
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Voilà qui est très tentant 🙂
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Laisse toi tenter, Aifelle : c’est un roman qui devrait te plaire !
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Je l’ai vu hier en librairie. Jouant du violoncelle, il m’a intrigué mais j’attends un peu de voir les premiers avis.
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Eh bien tu as déjà le mien, enthousiaste !
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Wash, billet parfait! J’ai ajouté le lien. Quatre parts quand même, et je ne chipoterai pas non plus.
Je n’ai lu aucun de ses autres romans et là c’est le thème qui m’a attirée (tu parles, je peux me fader toutes les suites de Bach d’affilée en concert…) Mais hélas je n’y connais pas grand chose.
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