« Maîtresse de l’Empire – La Trilogie de l’Empire, tome 3 », Raymond E. FEIST et Janny WURTS

Il y a quelques mois, j’avais lu les deux premiers tomes de cette trilogie (découverte grâce à Apophis, un grand merci à lui car je lui dois des heures de lecture passionnantes !), « Fille de l’Empire » (600 pages) et « Pair de l’Empire » (840 pages). J’avais alors décidé de patienter et de me réserver le dernier tome, de 900 pages, pour un voyage en avion cet été (et pour mon challenge Pavé de l’été, par la même occasion).

Dans « Fille de l’Empire », on découvrait Mara encore jeune fille. Alors qu’elle s’apprête à prononcer les vœux par lesquels elle consacrera sa vie à la déesse Lashima, des émissaires viennent la chercher : son père et son frère sont morts au combat et elle est désormais la seule représentante des Acoma, garante de la survie de ce clan prestigieux de l’Empire. La voilà donc brutalement plongée, alors même qu’elle est en proie à un chagrin incommensurable que le stoïcisme du peuple tsurani lui impose de ne pas manifester, dans le Grand Jeu du Conseil dont elle est obligée d’apprendre rapidement les règles : chacun déplace ses pions sur l’échiquier du pouvoir, anticipant parfois ses coups des années avant, dans d’implacables stratégies à long terme. Mara, persuadée que le clan des Anasati est responsable de la mort de ses proches, ourdit sa vengeance. Au fil des ans, et grâce notamment à sa capacité à s’attacher ceux qui la servent, sa position dans l’Empire va s’affermir, comme l’annonce le titre du deuxième tome, « Pair de l’Empire ».

La trilogie s’insère dans les Chroniques de Krondor, sans qu’on ait besoin de les lire. Elle n’est pas, contrairement à celles-ci, l’œuvre du seul Raymond Feist mais a été écrite à quatre mains avec l’écrivain Janny Wurts.
Sa lecture permet d’appréhender la nature de l’Empire, qui s’inspire dans son évocation des empires japonais et chinois. Dans la vie des clans, sur lesquels règne l’Empereur, l’honneur occupe une place prépondérante et plutôt que de le perdre, le noble tsurani est contraint de se l’ôter en « tombant sur son épée ». Les nobles tsuranis ne connaissent pas la pitié et réduisent en esclavage les guerriers étrangers vaincus et qui ne se sont pas donnés la mort. Ils ne se préoccupent pas non plus des conditions de vie parfois précaires du reste de la population. Les clans dont ils sont constitués sont, à l’image de tout l’Empire, emprisonnés dans des conventions qu’ils n’ont pas l’idée de remettre en question. Mara, devenue Dame des Acoma, évoluera grâce à la relation qu’elle va nouer avec Kevin, guerrier Midkemian c’est-à-dire barbare, devenu esclave. Le regard que Kevin porte sur les tsuranis, qu’il juge inhumains car incapables de la plus élémentaire compassion, va en effet l’amener à s’interroger sur ce qui, dans leurs mœurs, lui paraissait aller de soi. Ce genre de réflexions trouvera chez elle un terreau propice car elle avait déjà tendance à sortir des sentiers battus en prenant certaines de ses décisions.
La fantasy est présente dans la trilogie d’abord de manière assez diffuse, car les magiciens, à savoir les Très Puissants, n’y occupent au début que peu de place. Mais leur rôle s’accroît pour devenir capital dans le dernier tome. Il y a aussi des créatures insectoïdes, les cho ja, peuple dont les fourmilières ont droit de cité sur le territoire tsurani, où elles ont passé des accords avec les clans.

Le dernier tome de la trilogie, « Maîtresse de l’Empire », s’ouvre sur un drame qui vient bouleverser l’équilibre familial et politique dans lequel Mara s’était installée depuis plusieurs années. Brutalement arrachée au bonheur qu’elle connaissait enfin, Mara doit à nouveau affronter l’hostilité de factions rivales, liguées contre un Empereur aussi progressiste qu’elle et, pire encore, celle des magiciens, les Très Puissants, au sujet desquels on en apprendra davantage.
Ce volume mêle avec brio tragédie intime et enjeux à l’échelle de l’Empire, vie de couple et géopolitique. Le tout est accompagné de quelques aventures pleines de péripéties et un souffle épique balaie certaines pages guerrières. Le lecteur s’y inquiète pour Mara, personnage fort et attachant qu’il a vu gagner en maturité et sur laquelle un violent coup du sort s’est abattu. Il observe aussi la manière dont elle continue à évoluer, ce qui la conduit à regarder son passé avec lucidité, réfléchissant sur elle-même et s’avérant très critique envers les actes qu’elle a commis.

La trilogie de l’Empire est une oeuvre aussi originale que son héroïne. Mara n’a aucun talent particulier pour le maniement des armes, elle laisse cela aux guerriers, mais c’est bien une combattante de plus en plus redoutable, dont l’intelligence et la pugnacité ne cesseront de s’affirmer au fil des batailles qu’elle va mener au sein du Grand Jeu du Conseil, en même temps que s’affûteront sa sensibilité et sa clairvoyance. C’est aussi une femme qui, après de douloureuses épreuves, connaîtra l’amour de la part d’hommes dignes d’elle et le bonheur d’être mère. Seule lorsqu’il s’agira d’opérer des choix cruciaux, elle est malgré tout entourée de conseillers de qualité, totalement engagés à ses côtés.
Une héroïne comme elle, à la personnalité riche et fouillée, ne se rencontre pas tous les jours. Je ne me suis jamais lassée de plonger dans les intrigues retorses sous-tendant le déroulement de sa vie. Il y a en outre quelques expéditions qui la conduisent bien loin de ses terres, l’amenant à se retrouver dans des situations très délicates, voire périlleuses.
Les auteurs ont l’art de nous rendre Mara proche, tout comme ils ont celui de nous décrire avec précision un univers qu’il nous est facile de visualiser et où se déroulent, à l’occasion, des scènes spectaculaires. Bref, une trilogie remarquable, prenante, bien écrite, que je recommande à mon tour !

« Maîtresse de l’Empire – La Trilogie de l’Empire – tome 3 », Raymond E. FEIST et Janny WURTS
titre original Mistress of the Empire (1992)
traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Vétillard
éditions Bragelonne (900 pages)
paru en 2004

7 commentaires sur “« Maîtresse de l’Empire – La Trilogie de l’Empire, tome 3 », Raymond E. FEIST et Janny WURTS

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  1. (merci pour le lien)

    Je suis ravi de voir que ce cycle a su te charmer. Je suis tout à fait d’accord avec ta critique (que je trouve très pertinente), c’est une trilogie remarquable, dont je me désole qu’elle ne soit pas plus connue. J’espère que ton avis donnera envie à plus de gens de la découvrir !

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  2. Ça a l’air passionnant, mais damned, trois tomes… je suis déjà en panne sur Le trône de fer, dont je n’ai pas le courage d’ouvrir l’intégrale 5, parce qu’il faudrait auparavant que je lise un résumé détaillé des tomes précédents… je note quand même, pour plus tard (pourquoi ne pas en prévoir la lecture comme « pavé de l’été 2019 ?!)…

    Aimé par 1 personne

    1. J’ai regardé un peu (en survolant, pour ne pas en savoir trop sur l’histoire) ce qui concerne les Chroniques de Krondor et j’ai l’impression que je suis allée directement à ce qui pouvait m’y plaire le plus …

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  3. Je note cette trilogie. L’héroïne s’appelle comme mon pseudo, il faut que je lise cela.
    (Je n’ai pas lu ton billet pour éviter tout risque de spoiler)

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