« L’obsolescence programmée de nos sentiments », ZIDROU & Aimée DE JONGH

Elle a 62 ans et vient de perdre sa mère.
Il en a 59 et vient de perdre son emploi de déménageur.
Elle s’appelle Méditerranée et lui, Ulysse. Autant dire qu’ils étaient destinés à se rencontrer !

« L’obsolescence programmée de nos sentiments » s’ouvre sur deux personnages choqués. La mort de sa mère ramène Méditerranée à son propre déclin physique (elle trouve qu’elle ressemble maintenant à la sorcière de Blanche-Neige qui lui faisait tellement peur quand elle était enfant) et à sa finitude. Ulysse, sans emploi, ne sait pas comment occuper ses journées (en plus, il déteste lire).
Que ces deux-là se croisent et qu’il y ait rencontre, voilà qui ne pouvait mieux tomber pour éclairer à nouveau leurs existences. On découvre que Méditerranée tient une fromagerie ; c’était celle de son père et elle l’y a rejoint à 44 ans, après avoir abandonné sa carrière de modèle. La romance démarre donc entre les fromages de la cave et une petite dégustation de vin rouge, de quoi la placer sous de bons auspices et nos deux (à nouveau) jeunes tourtereaux s’embarquent avec bonheur dans l’aventure.
La suite, je vous la laisse découvrir, y compris le virage que prend l’histoire dans sa dernière partie : je ne m’y attendais pas et, même s’il permet à l’album de se clore de manière lumineuse, j’avoue que contrairement au reste du récit, j’ai trouvé un tel dénouement peu réaliste et il me laisse dubitative.

Autre couverture (trouvée sur Babelio), qui n’a finalement pas été choisie.

Ce bémol excepté, il y a beaucoup d’aspects très bien vus dans la chronique de ces deux solitudes et de leur rapprochement, racontée par Zidrou (lui-même âgé de 56 ans) avec justesse et sensibilité. Après l’amertume de ses débuts, « L’obsolescence programmée de nos sentiments » évolue, lorsque nos deux personnages se trouvent, vers une légèreté bienvenue : prendre leur relation au sérieux ne les empêche pas de faire preuve d’humour (ils n’en manquaient pas avant, mais c’était plutôt de l’humour noir), voire d’autodérision.

L’album m’a permis de découvrir la dessinatrice belge Aimée de Jongh (qui s’est fait connaître en France avec « Le retour de la bondrée ») et j’ai admiré le talent qu’elle manifeste pour restituer graphiquement les diverses ambiances. Bon, j’ai quand même un reproche à lui faire, concernant sa manière de représenter l’anatomie de Méditerranée, 62 ans (et ancien modèle, je le rappelle, donc on peut penser que la base était excellente), ce qu’elle fait en l’exposant nue sur quatre planches détaillées. Comme Aimée de Jongh n’a que 30 ans, elle s’est aidée de photographies pour les réaliser, d’après ce que j’ai lu dans une interview d’elle. Eh bien, les femmes qu’elle a vues sur ces photographies et dont elle s’est inspirée, elles devaient plutôt avoir 80 que 60, parce que là, franchement, la pauvre Méditerranée, elle ne nous l’a pas gâtée !

Un album qui met en avant des plus de 50 ans, y compris dans leur sexualité, abordée ici avec délicatesse, ce n’est pas si fréquent que cela (mais avec le vieillissement de la population, on s’intéresse de plus en plus à cette tranche d’âge) et celui-ci, après un état des lieux bien sombre, se révèle rafraîchissant.

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« L’obsolescence programmée de nos sentiments », ZIDROU (scénario) & Aimée DE JONGH (dessin et couleurs)
Editons Dargaud (144 p) –  Paru en juin 2018

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20 commentaires sur “« L’obsolescence programmée de nos sentiments », ZIDROU & Aimée DE JONGH

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  1. Deux parts de tarte seulement ?!!! Je pensais que tu aimerais plus cette BD que j’ai lue la semaine dernière. Comme toi, le dénouement final, s’il reste possible, m’a semblé relever du miracle. N’empêche que je n’ai pas boudé mon plaisir et j’ai adoré cette belle histoire.

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    1. Il y a eu des choses difficiles pour moi dans cette BD : ce que j’appelle son « état des lieux bien sombre » m’a marquée et la suite de l’histoire n’a pas réussi à me délester de cette pesanteur. Il m’a aussi été impossible de me reconnaître, alors que je ne suis pas loin de son âge, dans la représentation physique qui est donnée de Méditerranée et dans la perception qu’elle-même a de son image. Autant de raisons pour lesquelles je n’ai eu aucune hésitation au moment d’indiquer ma cote d’amour.

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  2. La couverture est très belle et je supposait qu’il s’agissait de l’amour d’un couple ayant vécu et vieillissant ensemble et dont les sentiments se transforment avec et par le temps qui passe. J’avoue être un peu déçue de constater qu’il ne s’agit pas de cela.
    Mais je sais que je lirai cet album si je le croise!

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    1. ça me plaît de voir que tu avais déjà imaginé une histoire, à partir de la couverture … et moi aussi elle me plaît bien, cette histoire-là 🙂 .

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  3. Comme toi, j’ai beaucoup aimé cet album subtil comme Zidrou sait les écrire. Je l’ai chroniqué en ce sens d’ailleurs. Et comme toi, j’ai trouvé la fin irréaliste. Un Ombre au tableau, mais un ensemble lmlgré tout lumineux.

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  4. Je ne manquerai pas de le découvrir, ce nouvel opus de Zidrou. Mais pas tout de suite, j’en ai trop lu de lui récemment. En tout cas le sujet ,comme tu le dis, encourage à découvrir cet album. C’est trop rarement évoqué, les sentiments et la sexualité des personnages âgées. Et par Zidrou, qui sait faire preuve de délicatesse, j’imagine que ça doit être bien fait.

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  5. Zidrou, je suis prête à le lire, même avec des bémols. J’aime assez le graphisme, c’est dommage pour la représentation un peu excessive de Méditérranée. Décidément, la femme qui vieillit a du mal à être considérée dans sa réalité.

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    1. Oui et je ne me suis pas du tout reconnue dans cet état des lieux (corporel), alors que je n’ai que quelques années de moins que Méditerranée (et que je me regarde sans complaisance) !

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  6. Je l’ai lu cette semaine, et je suis d’accord avec toi. Je suis un peu plus jeune que Méditerranée, mais mon conjoint a déjà 56 ans, bientôt 57 et il n’est pas aussi ridé ! Les personnages présentés ont facilement 10 ans de plus. Et que dire de la fin ? Elle est inattendue et m’a également surprise… Mais après tout, qui suis-je pour juger une telle décision ?

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