« Maria », Angélique VILLENEUVE

J’ai fait la connaissance de Maria, 58 ans, un coeur simple, sensible à la couleur des êtres qui l’entourent, Maria qui parle avec son petit-fils, Marcus, la langue secrète des enfants, et je ne l’ai pas quittée, il fallait que je continue à tourner les pages de ce court roman aspirant-inspirant, pour elle, pour Maria, je craignais tant qu’elle ne s’en sorte pas…
Sa fille Céline et son mari, Thomas, veulent changer le monde et commencent à leur échelle, avec leurs enfants. Marcus, à trois ans, a le droit de s’offrir un nouveau prénom, Pomme. Il porte nattes, robe et collants quand cela lui chante et orne ses ongles de vernis. C’est trop pour William, le compagnon de Maria depuis dix-neuf ans. Et parce que Maria, elle, se plie à la volonté de sa fille, il la quitte.
Maria encaisse, elle est forte pour encaisser, mais elle vacille et commence à perdre pied, « tout a commencé à se désarticuler dans sa vie ».
Arrive dans la foulée la naissance du deuxième enfant. Ce coup-ci, les parents refusent de dire à quiconque quel est son sexe. C’est un bébé, qui s’appelle Noun, point final. Il ou elle ? Il choisira plus tard.
« Les mois passent et le couple s’obstine. Avril, mai, juin, juillet, août. Contre toute attente, toute logique et toute charité, ils ne cèdent pas. C’est encore et toujours non.
Un non affolant, un non de pierre dure. »

Je ne me suis pas identifiée à Maria, elle a un tempérament trop différent du mien, mais j’ai été en empathie avec elle tout au long du récit, souffrant de la distance qui s’était installée et continuait à se creuser entre elle et Céline (« Maria a la sensation d’avancer, mas marche loin derrière sa fille. »). Il est question, ici, de convictions profondes, d’éthique de vie et je comprenais la position de Céline. Mais voir contrariée la relation que Maria entretenait avec ses petits-enfants, ce besoin vital de peau à peau, était une réelle douleur.

Je n’avais jamais rien lu d’Angélique Villeneuve, une auteur dont j’ai pourtant entendu dire beaucoup de bien sur les blogs, et c’est le thème de ce dernier roman qui m’a incitée à franchir le pas. J’ai découvert une écriture à la fois charnelle et à fleur de sentiments, en prise directe sur la poésie autour de nous, une façon d’aborder les choses de manière non pas frontale mais incidente pour nous emmener sans parti pris hors des sentiers battus, à la recherche de nouvelles marques.

Je n’oublierai pas Maria de sitôt, ni Céline en quête d’un monde meilleur pour ses enfants.

« Maria », Angélique VILLENEUVE
éditions Grasset (180 p)
paru en février 2018

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19 commentaires sur “« Maria », Angélique VILLENEUVE

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  1. Pourquoi un monde meilleur passe-t-il par une indifférence au genre masculin féminin. Je ne comprends pas bien. Mais les 4 parts de tarte me disent que ce roman doit savoir l’expliquer.

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  2. Merci du fond du cœur pour ce beau billet !
    Comme vous l’avez très bien compris, je ne défends pas la position de Céline, la mère (mais m’efforce de ne pas la juger). J’ai préféré m’attacher à la grand-mère, à ses réactions de femme ordinaire face à une situation qui la dépasse…

    Merci encore de votre lecture sensible
    Angélique

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    1. Chère auteur,
      C’est moi qui vous remercie pour ce beau moment de lecture que vous m’avez offert :).
      Pour Céline, on ne sait pas tout d’elle, puisque vous ne nous projetez pas dans ses pensées. J’ai vu chez elle l’intransigeance de la jeunesse et la certitude d’avoir raison par rapport à sa mère (un petit sentiment de supériorité), avec pourtant, en permanence, une tension perceptible, tant les positions choisies sont difficiles à tenir. Et puis il y a Thomas (lui, je ne l’aime pas), avec lequel elle décide de composer, elle n’était pas obligée, elle aurait pu lui imposer sa propre volonté de confier à sa mère le sexe de l’enfant, elle était prête à le faire. J’aime chez elle la volonté d’aller de l’avant pour changer les choses, faire bouger les lignes. Mais quant aux options (radicales) prises … Rien que de penser à la chambre parents-enfants, c’est non ^^ !

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  3. J’ai l’impression que c’est Maria qui se retrouve dans la tempête. Et puis, heu, quand on change les couches de noun, on n’a pas une réponse? Ou alors seuls les parents le font (j’suis trop terre à terre)
    Que Marcus se choisisse Pomme, s’habille comme il veut, cela ne me gêne pas, mais pour noun ça paraît aller loin. Aimer anna était aussi important, non?
    Rappel : il me semble qu’il y a quelques siècles tous les gamins s’habillaient en fille, et on ne coupait pas les cheveux?

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    1. Keisha, tu n’es pas du tout terre à terre, au contraire : Maria n’a effectivement pas le droit de changer les couches du bébé, on veille à ne pas lui en laisser l’occasion !
      Pas compris ce que tu veux dire avec « aimer anna était aussi important, non ? » .
      Et oui, j’ai effectivement vu des photos (donc ça a duré jusqu’au début du siècle dernier) de petits garçons habillés en filles et portant les cheveux longs, mais je ne suis pas renseignée sur la question (peut-être en vigueur seulement dans une certaine couche de la société, une espèce de mode ?).

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    1. Je suis contente que tu aies relevé mon allusion à « un cœur simple » 🙂 .
      Les commentaires permettent, dans le cas de ce livre, d’aller un peu plus loin que dans le billet en précisant certains points ou en en discutant, c’est appréciable.

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  4. Je suis tout-à-fait d’accord avec toi sur ta vision de Maria et de Céline. (je n’aimais pas Thomas non plus). J’ai admiré la manière dont Angélique Villeneuve s’y est prise pour que la lectrice (ou le lecteur) se questionne sur sur un thème polémique sans pouvoir juger personne (même si je sais de quel côté penchait mon coeur ..).

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  5. Bonjour Brize J’ai aussi beaucoup aimé ce roman. Je trouve qu’il pose plus de question qu’il ne donne de réponse…comme quoi rien n’est jamais simple dans la vie, même quand quand on veut assumer ses choix, aussi bizarres soient-ils

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  6. Heureuse de voir que le roman d’Angélique Villeneuve rencontre un beau succès sur les blogs, il le mérite, tant il m’a marqué par sa subtilité en explorant pourtant un sujet « pas facile ». Comme toi, en empathie constante avec Maria tout du long… 😉

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  7. Je voulais dire qu’aime sa mère (Anna, donc) est important. Même si j’ai compris d’après une réponse qu’elle s’est pliée aussi à la volonté de son compagnon.
    C’est quoi cette histoire de chambre parents-enfants?

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    1. Tu veux absolument que Maria s’appelle Anna, donc (raison pour laquelle j’avais du mal à te suivre) ^^ ?!
      Et pour ta question, je n’y répondrai pas : faut pas que je te raconte tout le roman, non plus 🙂 !

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  8. Faudra que je me rabatte sur la bibli (s’il y est) ou le feuilletage en librairie. Oui, Anna/Maria, je m’interroge sur mon erreur? Est-ce parce que j’ai partagé la chambre de mes parents quand j’étais petite? ^_^ Je file chez la psy.

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