« La promesse de l’aube », Romain GARY

Je me suis enfin décidée à lire Romain Gary (curieusement, un parfum de désuétude flottait pour moi autour de ce nom, lié peut-être à l’image que j’ai de « La vie devant soi », tout à fait erronée si j’en crois une lectrice avec laquelle j’ai discuté pas plus tard qu’hier après-midi). J’étais motivée par l’adaptation cinématographique qui devait sortir … mais maintenant que j’ai lu le livre et que le film est sur les écrans, je n’ai plus trop envie d’aller le voir, il me semble que les images que je me suis forgées me suffisent. Je me suis enfin décidée, donc, convaincue par les commentaires élogieux de blogueuses qui se reconnaîtront au passage et je ne saurais trop les remercier de m’avoir poussée à franchir le pas.
Parce que, même si je n’ai pas dévoré le livre (j’en lisais un autre en parallèle), je l’ai apprécié de bout en bout. Romain Gary se raconte (avec, paraît-il, pas mal d’entorses à la réalité, mais je ne suis pas allée creuser dans cette direction, j’en suis restée au texte), de son enfance à l’âge adulte et son récit est bourré d’humour avec une tendance marquée pour l’autodérision.
Sa mère (qui l’avait eu à l’âge de 36 ans) est un personnage au tempérament volontaire et pugnace, extravertie et démonstrative (euphémisme) : d’origine russe, elle a de la France une vision idéalisée et naïve, se la représensentant comme la terre des plus hauts faits, des plus grands sentiments et des hommes d’exception. Son amour incommensurable pour ce pays n’a d’égal que celui qu’elle voue à son fils (un amour à l’aune duquel il mesurera ensuite les autres, qui jamais ne se hisseront à une telle hauteur). Son ambition clairement affichée pour Romain est démesurée, il se doit de devenir un Français illustre. Elle l’élève avec cet objectif, en même temps qu’elle travaille d’arrache-pied pour leur offrir à tous les deux un niveau de vie convenable. Quels que soient l’embarras et la gêne que sa mère lui occasionne par moments, son fils n’aura de cesse de la remercier pour tout le mal qu’elle s’est donné,  il lui faudra réussir pour qu’elle soit fière de lui.

« La promesse de l’aube », c’est le Livre de la Mère, un hommage vivant et vibrant (un « tombeau », si on était dans le registre poétique ou musical) et à ce titre, la fin du roman est bouleversante, où le silence y dit mieux que les mots la douleur ressentie. C’est aussi un livre qui laisse affleurer, sur la fin, l’amertume que Gary ressent en constatant qu’il vieillit (il a 46 ans) et un texte hanté, dans sa toute dernière partie, par le cortège des compagnons de Gary morts au combat, ces hommes jeunes dont il se remémore les noms et qui demeurent à jamais à ses côtés, sur cette plage de Big Sur où commence et s’achève l’ouvrage.

« La promesse de l’aube », Romain Gary
éditions Folio (456 p)
paru en 1960

51 commentaires sur “« La promesse de l’aube », Romain GARY

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  1. J’ai tellement aimé ce roman. Je l’ai lu par hasard en 2001 alors que je venais de quitter Nice et que ma région me manquait. Alors tout son récit d’enfance a eu une telle saveur.
    Et je n’ai jamais autant pleuré en lisant un livre… quand on comprend le dernier acte d’amour de la mère.
    Mon coeur s’en serre encore en écrivant ces mots 😉

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  2. Je te lis en diagonale, j’en ai prévu la lecture à la fin du mois (lecture commune en vue) Comme toi, je considérais Romain Gary comme un peu désuet, je crois qu’il n’en est rien… 😉

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  3. C’est justement avec ‘La vie devant soi’, que j’ai, moi aussi, « découvert » Gary en 207. Il est des auteurs comme ça, dont on se tient éloigné pour de multiples raisons, souvent erronées. Et comme toi, c’est un de mes coups de cœur de l’année.

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    1. Je bloquais sur sa différence d’âge avec Pierre Niney (non conforme à celle existant entre la mère et le fils dans la réalité) mais j’ai regardé la bande-annonce et vu que Charlotte Gainsbourg avait été vieillie. Les avis sur le film divergent mais je n’ai même pas envie d’aller me faire ma propre opinion : ma lecture est trop proche pour la « parasiter » avec d’autres images, tout compte fait.

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    1. Je suis souvent paresseuse pour rédiger mes billets (exemple : 3 romans SF lus récemment dont je n’ai toujours pas parlé), mais là, j’avais très envie de partager cette lecture marquante.

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  4. Tu me donnes très envie de lire ce livre autour duquel je tourne depuis longtemps. J’ai lu (et aimé) La vie devant soi, mais j’avais alors 15 ou 16 ans. Il faut que je me lance. Et pour ce qui est de ne plus éprouver l’envie de voir le film dont la sortie a mené à lire le livre d’origine (bonjour la syntaxe), cela m’est arrivé bien des fois. Je me souviens avoir lu L’amant de Duras parce que je voulais voir le film : j’ai aimé le livre, je ne suis pas allée voir le film (et je crois que c’était une bonne chose!).

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    1. Ta syntaxe est très claire, Tasha ^^ ! Et j’espère t’avoir donné le petit coup de pouce qui achèvera de t’inciter à lire ce roman. Quant à la relation entre les livres et leurs adaptations cinématographiques, ma foi, il y aurait tant à dire que je ne me lance pas. Je dirais bien qu’on risque moins d’être déçu en allant du film au livre … sauf que là, me vient à l’esprit la nouvelle de Ph. K. Dick que j’avais lue après avoir vu « Minority Report » et je l’avais trouvée moins bien que le film !

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  5. Il est dans ma PAL. Comme toi, tout le battage médiatique sur le film m’a donné envie de le découvrir. Mais j’hésite encore un peu, j’ai souvent du mal sur les romans sur les mères… Tout le monde a l’air tellement emballée cependant, que je tenterai l’aventure, ma première de l’auteur que je ne connais pas du tout, sauf de nom bien sûr.

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    1. Tu fais partie des blogueuses dont les billets (même si le tien n’était pas récent, mais je l’avais trouvé en me renseignant sur le roman) m’avaient décidée à le lire !

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  6. Evidemment de Gary, j’ai lu  » La vie devant soi  » sans originalité. Pas vraiment un coup de coeur. Pas lu celui-ci, pas vu le film mais toujours intéressée par la lecture de  » Une éducation européenne « . Un jour 😉

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  7. Je l’ai depuis une quinzaine d’années, et comme beaucoup l’adaptation et les lectures qu’elle a provoquées me donnent très envie d’enfin le découvrir.

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  8. Je garde un tel souvenir de cette lecture que je ne veux surtout pas aller voir le film. Il ne pourra pas être à la hauteur .. Et oui, il faut que tu lises « la vie devant soi », il m’a fait fondre à sa sortie.

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    1. Ah, les relectures … Je suis comme toi : il y a des romans dont je me dis qu’il faudrait vraiment que je les relise, car je les ai beaucoup aimés mais je ne m’en souviens plus (je les ai lus adolescente), mais il y a toujours une envie de nouveauté(s) qui leur dame le pion !

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  9. Deux titres reviennent presque toujours (chacun un prix Goncourt, Gary seul auteur a en avoir obtenu deux, par « effraction » mais deux qd mm) la vie devant soi et la promesse de l’aube, mais la bibliographie de Gary est plus étendue et chacun de ses livres est un éblouissement. C’est original, sensible, plein d’humour sur la vie sur lui mm, écriture inclassable.
    Qd au film je suis tjs étonné que les lecteurs craignent de ne pas « retrouver » le livre ds le film. Et d’être déçus.
    Ce sont pour moi deux vecteur de communication différents et il est évident que les deux ne peuvent se ressembler ni transmettre les mêmes émotions ou les mêmes ressentis. On a chacun sa façon de percevoir la lecture d’un livre et le film nous révèle simplement la perception de l’auteur du film sur ce livre. Je pense que pour apprécier le film il ne faut pas vouloir retrouver sa propre lecture du livre mais s’en déconnecter totalement et apprécier ce qu’un autre a pu trouver dans sa lecture.
    Simplement ma façon de voir.

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