Beau projet que celui d’Eric Vuillard, consistant à reconstituer la fameuse journée du 14 juillet 1789, celle que notre Fête Nationale commémore chaque année ! Pour y parvenir, pas question d’user de ces raccourcis faciles qui ont nourri nos images d’Epinal. Il décide donc de partir sur la trace de ce petit peuple qui la fit et qui l’incarna. Un petit peuple qu’il ne cesse de nommer, au point que cette énumération de noms pourtant piquants tant ils fleurent bon l’époque, finit par virer au procédé, lequel s’accompagne d’un autre, qui consiste à s’emparer du personnage nommé et pointé à un moment donné de ce jour emblématique pour nous donner à voir ce qu’il adviendra de lui dans les années qui suivront : l’auteur était-il à ce point soucieux d’utiliser tout ce qu’il avait pu obtenir comme informations au sujet de ces gens dont il avait retrouvé et suivi la trace pour se complaire dans ces projections qui entravent la marche du récit ? Certes, elles proposent un aperçu des destins d’alors et de la place qu’y tinrent les épisodes du 14 juillet, ainsi mis en perspective, mais ce n’est pas toujours le cas et elles ne m’ont pas paru indispensables.
Quel besoin aussi, de parsemer son texte de mots dont nous ne connaissons plus le sens (mandorle, casaquin, ratine, triboule …), quand c’est pour user par ailleurs de tournures familières modernes (p 42 : « Il assomma tout le monde pendant trois plombes ») ? On aura aussi droit à un portrait de la citadelle en mode envolée lyrique et érudite (p 63 : « Voici le temple d’Horus. » etc) qui m’est largement passée au-dessus (« Figure inexpressive de la vieille Egypte. Dieu de sable et de pierre. Masse énorme. Bégude. Tarasque. Bàou. On ne sait quel sens te donner, si tu fus la grande chose obscure, Orion, Cocyte, dieu du silence, âme morte, pétrifiée. ») en me donnant la sensation que l’auteur se regardait écrire. Tout cela pour dire que ce mélange de registres dans les styles adoptés ne m’a pas convaincue, pas plus que, sur presque deux pages (p 144) la longue description d’une épée (à nouveau l’impression que l’auteur voulait exploiter le matériau recueilli).
Si je n’ai pas été emportée par ma lecture tant ce que je viens d’évoquer m’a agacée ou pesé, je reconnais volontiers le talent de l’auteur pour peindre des scènes fortes (le pillage de la Folie Titon, au début, en est une parfaite illustration) et j’ai vu en filigrane l’œuvre que j’aurais aimé lire, immense fresque populaire pleine de bruit et de fureur. De fait, « 14 juillet » offre une description intéressante car très documentée de ce qui s’est joué ce jour-là. Mais elle aurait, à mon sens, gagné en efficacité et en vérité si l’auteur avait réussi à conjuguer fougue et sobriété dans l’écriture de son récit et s’il s’était mis de côté pour lui offrir la première place.
« 14 juillet », Eric VUILLARD
Editions Actes Sud (200 p)
Paru en août 2016
Et pour nuancer mon avis, je vous invite à lire ceux, enthousiastes, de : Sandrine, Delphine-Olympe, Jostein, Clara, Keisha, Dasola .
Mic Mélo a aimé aussi mais émet quelques réserves.
Nous avons fait paraître notre billet le même jour. J’ai aimé le souffle épique moins , beaucoup moins le message final.
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Oui, j’ai vu. J’avais aussi émis une réserve sur l’implication personnelle de l’auteur dans le texte, en filigrane, mais je l’ai enlevée finalement : j’avais déjà trop de réserves à émettre (et ce n’est pas ce qui m’avait le plus gênée) !
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Je n’ai pas du tout accroché ! Un vocabulaire très (trop) recherché, pour moi, a gâché ma lecture.Par contre, bravo à l’auteur pour l’évocation de ce peuple de Paris en ébullition. On s’y croirait !
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Même ambivalence chez moi, entre ce qui m’a agacée et ce qui m’a plu, car réussi.
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J’aime bien les avis contrastés, ça tempère un peu les ardeurs en ces temps de tentations littéraires de rentrée !! 😉
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Et il y en a 😉 !
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Tu es le 1er avis en demi-teinte que je lis ! Je n’étais pas tentée au départ mais les copinautes étaient toutes si enthousiastes que je me le suis procuré, à voir donc…
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Il y a matière à aimer, je ne suis pas inquiète 🙂 !
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J’aime bien croiser ces mots qu’on n’utilise plus, on peut lire sans en connaître le sens. Merci pour ce billet argumenté. Soit. ^_^
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Ben oui, j’ai fait l’effort de le rédiger (c’était pas gagné) 😉 !
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Ton avis est intéressant, après tous les dithyrambes que l’on lit sur ce livre, je pense que je vais attendre qu’il soit à la biblio.
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Oui, tu le trouveras en bibliothèque, c’est un incontournable de cette rentrée.
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Comme tu sais, j’ai beaucoup aimé : c’est mon livre favori en cette rentrée et quelle plaisir j’ai pris à interroger Vuillard !
A l’inverse de toi, j’ai succombé au charme des mots inusités (j’ai noté aussi margoter et percoler…), au choc de leur rencontre avec la modernité (j’ai noté aussi intifada et trader…). Bref, sa liberté ma plu. Et je me fiche qu’il parle d’un objet sur plusieurs pages, le principal dans ce contexte précis c’est que ça fasse musique. Tout comme la fameuse liste de noms.
Ah, en écrivant ce commentaire, j’ai envie de m’y replonger 🙂
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Ma liste de mots n’était pas exhaustive, tant s’en faut 🙂 ! Et je te laisse t’y replonger, va !
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Je suis en train de le lire ! Je pense que j’émettrai aussi quelques réserves, un peu différentes des tiennes… 😉
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Affaire à suivre, donc !
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Je suis contente de ton avis moi !! Même si je n’ai pas été autant agacée que toi, j’ai eu des petites pointes. C’est vrai qu’il y avait la question du vocabulaire, mais comme cela m’arrive souvent de ne pas connaître vraiment le sens de certains mots, je lis souvent avec un dictionnaire sous la main pour combler mes lacunes….alors ce n’est pas le seul avec lequel ça me fait cet effet 😉
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C’est en partie pour toi que je me suis (un peu) forcée à rédiger ce billet 🙂 !
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Zut alors, en lisant ta chronique je suis presque triste pour Eric Vuillard, car même si je n’ai pas encore lu celui-ci, j’aime en général, J’aime l’intention, j’aime ce mélange de recherche historique et de recherche esthétique. J’aime quand la fiction vient boucher les trous. Bref, tu ne me dissuades pas, mais c’est vrai que c’est bien de lire des avis contrastés
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Compte tenu de ce que tu dis, tu aimeras, c’est sûr !
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Tiens un avis plus négatif, je vais le lire pour me faire mon idée !
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C’est ce qu’il y a de mieux à faire (statistiquement, tu as de très grandes chances de beaucoup aimer) !
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Je rejoins entièrement Sandrine dans son commentaire.
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C’est pas beau de copier, Clara 😉 !
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Comme Sandrine, j’ai beaucoup aimé ce livre, et j’aurais pu faire la même réponse qu’elle 😉
A aucun moment je n’ai été gênée par la présence de ces mots aujourd’hui perdus. Je n’ai d’ailleurs pas eu l’impression qu’il y en avait autant…
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Oui, il n’y en a pas tant que cela, mais ils ont dès le départ, pour moi, donné une tonalité qui m’a agacée.
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Ce que j’aimé, c’est, comme sandrine et clara, c’est cette tonalité qui dépoussière les mots qui vont d’habitude avec la commémoration officielle de cette journée, dont on s’aperçoit dans ce titre, que finalement, on ne sait pas grand chose ! Ce qui est normal, du point de vue de l’histoire en temps réel.
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Oui, j’ai bien aimé cet aspect reportage sur le terrain.
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Adoré ! Mais adoré ! Sans réserve aucune !
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Ah, c’est super quand un livre nous fait cet effet-là !
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Je me suis tellement ennuyée que cela m’a ennuyée d’analyser pourquoi et d’écrire mon billet ! J’ai préféré passer à autre chose.
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Je te comprends car quand un livre ne m’a pas plu, je n’ai pas forcément envie de passer davantage de temps dessus en rédigeant un billet à son sujet.
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Je n’ai toujours pas lu ce roman mais ton avis parfaitement argumenté est très intéressant et dénote un peu de ce que j’ai déjà lu.
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Pour ma part j’ai bien aimé! Grâce à #ericvuillard voilà que la fronde et la colère se transforme en un opéra, une « grande guerre de gestes et de mots », que la fiction se transforme en réalité, que le 14 juillet est incarné. Place à la Fête Nationale ! #actessud #14juillet #RL2016 #rentreelitteraire #fetenationale goo.gl/Vm3XE9
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