« […] à Drancy, tu savais bien que rien ne m’échappait de vos airs graves à vous les hommes, rassemblés dans la cour, unis par un murmure, un même pressentiment que les trains s’en allaient vers le grand Est et ces contrées que vous aviez fuies. Je te disais : « Nous travaillerons là-bas et nous nous retrouverons le dimanche ». Tu m’avais répondu : « Toi, tu reviendras peut-être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrai pas ». Cette prophétie s’est inscrite en moi aussi violemment et aussi définitivement que le matricule 78750 sur mon bras gauche, quelques semaines plus tard ».
Marceline Rozenberg (le nom de jeune fille de l’auteur) a 15 ans quand elle et son père, juif polonais qui avait émigré en France, sont déportés à Auschwitz-Birkenau, si proches (les deux camps sont éloignés de 3 kms) et si loin l’un de l’autre (le père et la fille se croiseront une fois, un moment fort du récit).
Deux ans après, Marceline fait partie des rescapés. Son père, non, comme il l’avait pressenti.
Dans cette lettre qu’elle lui adresse, soixante-neuf ans plus tard, elle raconte.
L’irracontable, d’abord, à savoir le camp et ce qui y a subsisté d’elle, un corps acharné à survivre.
Puis le retour, les proches auxquels on ne peut se confier, ils ne peuvent pas comprendre ce qu’ils n’ont pas vécu, ils veulent qu’elle oublie, reprenne au plus vite une vie normale. Le seul qui aurait pu l’aider est absent, lui dont elle a été séparée alors qu’elle avait encore tant besoin de lui (« J’étais ta chère petite fille. On l’est à tous les âges. J’ai eu si peu de temps pour faire provision de toi. ») .
Elle dit la difficulté à vivre à nouveau (« On le sent toute sa vie qu’on est revenu ») et cet antisémitisme qui continue à rôder dans la France d’après-guerre (et semble destiné à ne jamais disparaître, elle y revient plus loin). Elle dit sa famille qui ne s’est jamais remise de ce non-retour du père. Elle revient sur son parcours, à lui, qu’elle a mieux compris en prenant de l’âge car « Il faut vieillir pour accéder aux pensées de ses parents. » Elle évoque le sien, aussi, avant de conclure avec cette ultime interrogation, sans réponse définitive, sur une vie dont elle n’est pas toujours certaine qu’elle valait d’être poursuivie, après sa jeunesse massacrée …
Un texte court mais très dense, porté par une écriture sensible et percutante (l’écrivain Judith Perrignon a contribué à sa rédaction), toute une vie ramassée en cent petites pages qui sont de celles que l’on n’oublie pas.
« Et tu n’es pas revenu », Marceline LORIDAN-IVENS (avec Judith Perrignon)
Editions Grasset (107 p)
Paru en janvier 2015
Les avis de : Leiloona, Cathulu, Clara, Eva Sherlev, Micmelo, Keisha, Véronique, aproposdelivres , Anne …
Oui, un très beau petit livre.
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Peu de pages, mais elles comptent.
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Ah oui, la tarte entière, oh que oui!!!
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Aucune hésitation !
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Tiens, je l’ai souligné justement il y a quelques jours, je suis contente que tu aies (plus qu’) apprécié !
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Tu apprécieras ce texte, je n’ai aucun doute là-dessus.
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je dois le lire mais en ce moment tellement de livres me font peur , je cherche à me divertir plus qu’à me souvenir . Ce livre est le premier sur ma liste des livres à lire .
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Tu as raison d’attendre le moment ad hoc.
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Je l’ai dans ma PAL ; j’attends le bon moment. Elle avait déjà raconté son arrestation et sa déportation dans « la vie balagan ». Je pense qu’elle va plus loin sur la relation à son père dans celui-ci.
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J’ai aperçu ce titre dans la biographie/filmographie de l’auteur, mais je n’avais pas du tout réalisé qu’elle avait déjà écrit un texte autobiographique. Je pense que je le lirai.
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Oui, un témoignage inoubliable.
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Je viens d’ajouter le lien vers ton billet (lu à sa parution, mais j’ai eu du mal à retrouver tous les billets).
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Ne t’inquiète pas, je ne suis pas vite choquée 😉 (mais merci quand même)
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un livre qui fait partie de ces indispensables
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Un livre marquant, en tout cas.
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Un livre que j’ai parfois du laisser pour pouvoir respirer un grand coup et le reprendre ensuite ; histoire terrible
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C’est vrai qu’on la vit avec elle et pour cela le livre est dur.
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Il m’attend, il faut juste que je trouve le bon moment…!
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