« Le fils », Philipp MEYER

Fils– 1936 : le Colonel Eli MacCullough, âgé de cent ans, enregistre ses souvenirs, stigmatisant au passage son fils (« Graine de ma destruction. Je sais ce qu’il a fait »), avant de revenir sur l’histoire de sa famille. Rapidement, elle le mène au printemps 1849, quand il fut enlevé par des Comanches …
– 3 mars 2012 : Jeanne Anne McCullough (arrière-petite-fille d’Eli, qu’elle a connu jusqu’à ses dix ans), gît sur le tapis de son salon, seule dans cette grande maison où elle est sûre que personne ne la trouvera, pourtant elle sent une présence à proximité. Dans son esprit, des pans du passé ressurgissent (et au passage elle stigmatise à son tour le même individu : « Elle avait bien eu un grand-père, Peter McCullough, mais il avait disparu et il n’y avait personne pour en dire du bien ; elle savait qu’elle ne l’aurait pas aimé non plus »)…
– 10 août 1915 : Journal de Peter McCullough . Le voilà donc, ce fameux fils paria (mais on ignore encore pourquoi). « C’est mon anniversaire« , écrit-il. « Aujourd’hui, sans l’aide du moindre bourbon, je suis arrivé à la conclusion suivante : je ne suis personne. En me retournant sur mes quarante-cinq années, je ne vois rien qui vaille la peine – ce que j’avais pris pour une âme m’apparaît plutôt comme un abîme de ténèbres – , j’ai laissé les autres faire de moi ce qu’ils voulaient. A entendre le Colonel, je suis le pire fils qu’il ait jamais eu – il a toujours préféré Phineas et même ce pauvre Everett. » Voilà, le ton est donné, enfin façon de parler car Peter détonne, justement. Et en particulier au moment où on le saisit, alors que le Colonel s’est mis en tête de s’en prendre à leur voisin Pedro Garcia, qu’il rend responsable, à tort selon Peter, d’un vol de bétail sur ses terres. Convaincu qu’il ne pourra rien sortir de bon de cela, Peter s’acharne à s’opposer au cours que prennent les événements …
Trois fils narratifs, qui alternent d’un chapitre à l’autre, mais une seule famille, celle des McCullough, que nous suivons avec le plus grand intérêt de 1836 à nos jours, en même temps que nous découvrons, par son intermédiaire, la naissance et le développement de l’Etat du Texas.

« Le fils » est un roman dont je me suis dit, en le lisant (ce que j’ai bien failli ne pas faire, son côté pavé me rebutait), qu’il était tout simplement parfait (au moins pour moi), puisqu’il réussissait le tour de force de rassembler tout ce que j’aime. Les histoires sont captivantes (il y a toujours une bonne raison de poursuivre car les questions soulevées sur le destin de l’un ou l’autre exigent des réponses) (en plus, l’une d’elles et non des moindres est consacrée aux Indiens, tout pour me plaire, je vous le dis, même si certains comportements des Comanches n’ont rien de plaisant !) et s’enchevêtrent avec brio. Les personnages sont tout aussi intéressants (et on reconnaît parfois en eux certaines de nos aspirations ou de nos fêlures, au-delà des différences de temps et de lieux). Ajoutez à cela le plaisir d’apprendre quelque chose (ici, on a un bel aperçu de l’histoire du Texas et, par ricochet, de celle des Etats-Unis). Enfin, je n’ai pas parlé de l’écriture, mais qu’en dire sinon qu’elle épouse les rugosités (car il y en a, on ne fait pas dans la dentelle, au Texas !) du récit.

Roman-torrent, passionnant et puissant, « Le fils » s’avère d’une envergure qui dépasse son propre propos, circonscrit à une époque et un Etat, puisqu’il est sous-tendu par une certaine philosophie (ou devrais-je plus simplement dire conception) de l’histoire humaine dont il représente une illustration. Malgré son poids, il ne m’est jamais tombé des mains, au contraire je le prenais et le reprenais avec un plaisir qui ne s’est pas démenti. Alors, si le thème vous tente, aucune hésitation à avoir (et si vous avez peur de vous perdre entre les personnages et les époques, pas d’inquiétude : l’auteur ne cherche pas à nous égarer et nous a même fourni un arbre généalogique en tête du livre pour nous raccrocher aux branches le cas échéant) !

Marquant !« Le fils », Philipp MEYERpavé 2015-petit Mle 180
Titre original The Son (2013)
Traduit de l’américain par Sarah Gurcel
Editions Albin Michel (671 p)
Paru en août 2014

Les avis de : Yspaddaden, Keisha, Cannibal Lecteur, Claire JeannePapillonCuné, aproposdelivres, Electra , Emilie, Micmelo …

47 commentaires sur “« Le fils », Philipp MEYER

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  1. Quelle force ce roman ! Moi qui trouve que j’oublie beaucoup ce que je lis, ce roman m’est encore très présent et je crois que je n’oublierai pas ces personnages captivants. Tu as vraiment très bien fait de te laisser tenter ! Il faut nous écouter et ne pas te laisser impressionner par le nombre de pages, pas toi, la fille aux pavés 🙂

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  2. J’ai adoré ce livre lu il y a quelques mois. Je garde le souvenir de ce colonel élevé « à la dure » par les Comanches. Le mode de vie de ces derniers m’avait passionnée.

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  3. Quand tu expliques qu’il rassemble tout ce que tu aimes, tu me convaincs complètement ! C’est qu’il est noté depuis un an, mais que je ne me décide pas à le chercher en bibli, par crainte du côté pavé aussi.

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    1. Pour ne rien te cacher, il m’était déjà arrivé de lancer une réservation … pour finalement l’annuler, tant je renâclais à me lancer ! Je craignais aussi, je ne sais pas, quelque chose comme une certaine aridité du récit (j’ignore pourquoi je m’étais mis ça en tête). J’ai commencé à lire et mes inquiétudes n’ont pas tardé à s’envoler.

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  4. Ah le côté pavé ! Je crois que dans mon billet je parlais de son « poids » mais ça en vaut la peine ! Impossible d’oublier Eli et ses années passées chez les Comanches, Meyer a réussi un livre d’une force magistrale et ton billet lui rend fort bien hommage !
    Contente de voir qu’il ne t’ait pas tombé des mains 😉

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    1. Oui, ça en valait vraiment la peine (et je ne dis pas ça de tous les pavés que je lis, en tout cas je ne dirai pas ça du suivant, que je viens d’achever) !

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  5. Comme c’est bon de savoir que j’ai un pavé à 4 parts de tarte qui m’attend bien sagement.
    A vrai dire, je l’ai remonté récemment en haut de la pile mais cela fait déjà deux fois de suite que je lui préfère un autre bouquin (le dernier en date étant « The heaven of animals », de David James Poissant, et je me régale).
    Grâce à ce billet extatique, c’est sûr que je c’est lui qui aura ma préférence pour mes vacances. Plus que quelques semaines à patienter…

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  6. J’ai eu la chance de rencontrer l’auteur et de l’écouter. je suis repartie avec ce pavé….pas encore lu…. Mais c’est vrai que ton billet me donne beaucoup plus envie que le compte-rendu laconique de mon Homme à qui je l’avais offert !

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      1. Moi moins d’intérêt… j’aimais pas le personnage, alors, ça en a pâtit. Je suis contente que tu aies aimé et désolée de t’avoir rendu méfiante ! Comme quoi, les ressentis des uns ne sont pas ceux des autres.

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    1. A toi de voir, parce que si le sujet te rebute, pas du tout sûr que le livre te plaise, quel que soit le nombre d’avis élogieux parus à son sujet …

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  7. Pas trop tentée mais tu es tellement enthousiaste, et les quelques commentaires que j’ai lu vont dans le même sens, alors, il faudra que je me lance un jour…

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