« La petite communiste qui ne souriait jamais », Lola LAFON

petite communisteSi je me souviens de Nadia Comaneci ? Et comment ! Impossible d’oublier ce petit bout de femme, gymnaste-poupée roumaine à la technique insensée sur laquelle le monde entier braqua les yeux en cet été 1976 des JO de Montréal.
C’est à elle, « La petite communiste qui ne souriait jamais », que Lola Lafon consacre ce livre hors-normes, docufiction romanesque où l’on croise aussi bien des extraits tout ce qu’il y a de plus réels d’un décret de Ceaucescu (visant à contrôler crûment la fertilité des femmes dans un but nataliste) que des conversations imaginaires entre la narratrice-écrivain et l’objet, souvent rebelle, de ses recherches, Nadia en désaccord avec les affirmations qu’on voudrait formuler sur elle, son pays, son vécu.
Biographie partielle (1976 – 1989), ce récit fragmenté et fragmentaire enchaîne les séquences courtes et rythmées, en écho à cette gymnastique que Lola Lafon, prouesse méritant à son tour le 10 parfait obtenu par Nadia, parvient à mettre en mots, lorsqu’elle retrace d’une écriture nerveuse et poétique les figures créées par la jeune fille. Eclats de vie, éclats de voix, le livre met en permanence en parallèle Nadia-et-son-monde (la Roumanie sous Ceaucescu) et l’Occident admiratif-jaloux-critique, évalue la réalité historique à l’aune des jugements des uns ou des autres, le ressenti de ceux-qui-y-étaient pas toujours conforme à nos certitudes.

Décorticage psycho-socio-politique de l’extraordinaire attraction qu’exerça sur nous Nadia Comaneci, « La petite communiste qui ne souriait jamais », en s’interrogeant sur un individu, qui fut d’abord une incroyable et fascinante battante, questionne une vérité impossible, que le tamis erratique de la mémoire rend toujours plus difficile à cerner. Lola Lafon s’est basée sur une importante recherche documentaire. Sa (re)création littéraire (elle n’invente aucun fait mais rend compte/raconte à sa manière) a le goût et l’intelligence du vraisemblable, son style la couleur et le vif des épisodes narrés. Elle nous livre une reconstitution pertinente et percutante qui sait, quand il y a lieu, laisser ouvert le champ de nos interprétations.

J'ai beaucoup aimé !« La petite communiste qui ne souriait jamais », Lola LAFON
Editions Actes Sud (317 p)
Paru en janvier 2014

Les avis de : Cathulu, Marilyne, Theoma,Valérie, Clara et Cuné.

35 commentaires sur “« La petite communiste qui ne souriait jamais », Lola LAFON

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  1. je suis toujours un peu réticente avec ce genre qui mêle réalité et fiction, car j’ai souvent trop de mal à faire la part du vrai et du faux… c’est le cas ici? ou est-ce vraiment clair?

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    1. Pour répondre à ta question, j’ai modifié un peu une de mes dernières phrases, en précisant entre parenthèses que l’auteur n’inventait aucun fait. Mais elle fait œuvre romanesque dès lors qu’elle imagine, par exemple, des dialogues (même s’il lui arrive d’utiliser certaines phrases dites ou écrites par Nadia). Il n’y a pas, lorsqu’on lit ce livre, d’ambiguïté sur la question de l’authentique ou de l’inventé (d’autant qu’il est précisé que les entretiens entre la narratrice et Nadia sont imaginaires), tout est clair.

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    1. Merci 🙂 .
      Il me paraissait important de souligner à quel point, avec le temps qui s’écoule, même la principale protagoniste n’est pas forcément en mesure d’apporter des réponses aux questions qu’on lui pose : se souvient-on toujours précisément des raisons qui ont dicté les choix qu’on a fait lorsqu’on était jeunes ?

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    1. Oui, elle met en perspective, ce qui n’est pas évident car on a tendance à juger à l’aune de notre présent. Ce qui ne l’empêche pas de dénoncer, par leur seul énoncé, les pratiques condamnables (cf le décret de Ceaucescu qu’elle cite).

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  2. Ce livre m’a fait de l’œil et j’ai craqué en l’achetant ! Je suis en train de le lire et j’apprécie ! Mais j’ai toujours eu un faible pour ce genre de livre mêlant fiction et réalité. Et j’ai été voir sur le net la prestation de Nadia : époustouflant !

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  3. Ce qui m’attire dans ce livre, c’est l’originalité de l’angle à travers lequel l’auteure a choisi de traiter de cette période historique en Roumanie. Je vais le lire, c’est sûr.

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  4. J’ai vraiment bien prévu de le lire, celui-ci. Je suis sûre qu’il est extrêmement intéressant et qu’on apprend plein de choses. Et puis, comme vous, je me souviens bien de cette gamine si parfaite que j’en avais presque peur.

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  5. Excellente analyse! C’est exactement ça. Comme je l’ai aimé, ce livre et Nadia, donc! Impossible d’oublier ses prestations en direct à la télé! Quels grands moments!

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  6. Une lecture que j’ai beaucoup aimé également, que ce soit pour (re)découvrir Nadia Comaneci ou pour la plume de Lola Lafon.

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