« Et nos yeux doivent accueillir l’aurore », Sigrid NUNEZ

nos yeux1968 – Etats-Unis
Georgette George et Ann Drayton partagent la même chambre à l’Université Barnard. Ann, qui vient d’un milieu huppé, souhaitait cohabiter avec quelqu’un qui n’appartienne pas à la même classe sociale et c’est le cas puisque George est issue d’une famille défavorisée de six enfants. Seul regret d’Ann : George n’est pas noire.
George n’apprécie pas immédiatement cette jeune fille en permanence révoltée contre les privilèges et en particulier ceux dont elle bénéficie : Ann les rejette violemment, autant qu’elle méprise ses parents pour ce qu’ils représentent. Au fil du temps, cependant, une relation forte se noue entre George et Ann.
Quelques années après et alors qu’elle l’aura perdue de vue, George aura la surprise de découvrir le visage d’Ann à la une des journaux, à l’occasion d’un dramatique fait divers …
Entre temps, George aura poursuivi son chemin, au travers de ces années où la jeunesse bouge, sur fond de musique, liberté sexuelle et drogues, ces années hippies où la transgression n’empêche pourtant pas le racisme de demeurer d’une triste actualité. Bien plus tard viendront les années SIDA.

George remonte le temps et raconte. De son récit émergent des figures de femmes fragiles ou fortes, ordinaires ou pas et en premier lieu celle d’Ann, la dernière de son espèce (« The Last of Her Kind », ainsi que l’annonce le titre original du roman), avec « sa rigueur, sa pureté, sa dureté adamantine, son honnêteté terrifiante ».

« Et nos yeux doivent accueillir l’aurore » nous plonge au cœur de ses personnages féminins, décrits avec intelligence et finesse, mais aussi de leur époque (un petit tour du côté de Woodstock et de Mick Jagger, entre autres) et c’est son double attrait, mêler avec le plus grand bonheur étude psychologique et analyse sociologique. Commencé comme un roman de campus, le récit dépasse ensuite largement ce cadre, dépeignant les apprentissages de trois jeunes femmes, George, sa sœur fugueuse Solange et Ann. La confrontation à sa famille, l’expérience des drogues, la quête de l’amour au sens large du terme et la volonté de choisir son existence, mais aussi le sexisme, le racisme et la lutte des classes, sont autant de thématiques évoquées à travers elles.

George, la principale narratrice, n’a rien d’héroïque. Certains, explique-t-elle, « ne se sont pas privés de me reprocher ma timidité ou ma passion dévorante pour la lecture – une addiction, un vice, une lâcheté pour me dérober aux défis, aux dangers, aux plaisirs et même aux devoirs de la vraie vie ». Mais nul doute que son amie Ann, comme c’est le cas pour le lecteur, la fascine et l’atteint en touchant à l’essentiel, l’adéquation de nos vies à nos convictions, Ann l’intransigeante, capable d’assumer ses choix jusqu’à l’extrême, jusqu’à l’oubli d’elle-même.

Un très beau roman, de ceux dont la lecture résonne longuement en soi, une fois la dernière page tournée.

J'ai beaucoup aimé !« Et nos yeux doivent accueillir l’aurore », Sigrid NUNEZ
Titre original The Last of Her Kind (2005)
Traduit de l’anglais (américain) par Sylvie Schneiter
Editions Rue Fromentin (405 p)
Paru en janvier 2014

21 commentaires sur “« Et nos yeux doivent accueillir l’aurore », Sigrid NUNEZ

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  1. Bonne année!

    C’est pour moi le souvenir d’une lecture foisonnante, qui brasse d’innombrables thèmes sensibles ou délicats. Et qui captive…

    J’aime

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