« La fille automate », Paolo BACIGALUPI

La fille automateSur le marché de Bangkok, Anderson Lake repère un fruit singulier, le ngaw, dont l’extraordinaire saveur le surprend. Car il n’existe plus rien de cet ordre dans un monde où les manipulations génétiques ont causé la perte des fruits et légumes traditionnels en provoquant des maladies et épidémies de toutes sortes qui touchent le végétal ou l’humain. Anderson Lake est persuadé que le royaume thaï dispose d’une banque de semences et a bien l’intention de la localiser.
En attendant, il doit gérer l’usine SpringLife , une couverture utile pour les agissements de la société AgriGen, dont il dépend secrètement, une de ces multinationales agroalimentaires qui dominent le monde. A SpringLife, on développe une nouvelle technique de production de l’énergie grâce à un système biotechnologique à base de bains d’algues transgéniques, comme le sont les énormes mastodontes, éléphants nouvelle génération dont la puissance cinétique est mise à contribution pour les opérations de stockage. Sur place, doté de son ordinateur à pédale, officie le vieux Chinois Hock Seng : réfugié de Malaisie où il était chef d’entreprise, il a survécu à l’extermination de son clan et survit maintenant en étant le contremaître et l’homme à tout faire d’Anderson.
La ville de Bangkok, grouillante et étouffante, résiste à la puissance des eaux (qui ont englouti New York, entre autres) grâce à d’immenses digues. Elle a, comme le reste du monde, connu l’Expansion, dont les tours abandonnées et livrées à la végétation sont les vestiges. Puis la Contraction, lorsque les sources d’énergie fossile se sont taries, le charbon mis à part, avec toutes les guerres que se sont livrées les nations entre elles. Et elle s’acharne à se prémunir du monde extérieur par l’intermédiaire de ses « chemises blanches », représentant le ministère de l’Environnement et dont le capitaine Jaidee Rojjanasukchai est le chef, secondé par son adjointe Kanya. Ce sont les vérificateurs intraitables des produits importés, souvent via des dirigeables, auxquels s’opposent les sbires du ministère du Commerce extérieur.
Dans cet environnement où la misère tient le haut du pavé, les pas d’Anderson Lake vont bientôt croiser ceux d’Emiko. Créature produite par la science génétique japonaise et conçue pour le plaisir de son propriétaire, elle est perçue comme une monstruosité intolérable dans le royaume Thaï où son ancien maître l’a pourtant abandonnée aux mains d’un proxénète.
Anderson Lake, Hock Seng, Jaidee, Kanya et Emiko : cinq personnages qui vont être pris dans le tourbillon d’affaires politiques intérieures dont le déclenchement sera insidieux et les retentissements, de fil en aiguille, spectaculaires…

Pas facile de vous donner ne serait-ce qu’une idée de ce contexte politico-écologico-économique extrêmement dense, dans lequel le lecteur se retrouve directement immergé, à charge pour lui de glaner au fur et à mesure les indices nécessaires à son repérage ! Mais c’est ce que j’aime dans la SF, la découverte d’un environnement du futur radicalement nouveau, ce qu’il est au moment où le récit débute et les circonstances historiques qui l’ont façonné. Et pour le coup on est servi, avec ce roman d’anticipation hors du commun qui, en plus d’être bien écrit, est habité de personnages à la psychologie fouillée. Il fourmille en effet de trouvailles et d’éléments intéressants, basés en particulier sur ce qui pourrait résulter de progrès scientifiques dans le domaine très controversé des manipulations génétiques.

Si tous
les ingrédients semblaient réunis pour que ce livre soit à mon goût, je ne l’ai cependant pas trouvé captivant. Certes, j’étais impressionnée par l’univers décrit et sensible aux enjeux globaux exposés, mais pas à la manière dont ils étaient mis en scène, un récit suivant à tour de rôle chacun des protagonistes et présenté avant tout sous l’angle des jeux de pouvoirs et des intrigues politico-financières. Du coup, ma lecture s’est avérée par moments un peu fastidieuse, faute aussi de suspense, excepté tout à la fin. Et puis, je n’ai guère ressenti d’empathie pour les personnages en cause, donc je ne m’inquiétais pas tant que cela de leur sort. Il s’en est pourtant fallu de peu pour qu’Emiko occupe à mes yeux une place prépondérante. Mais les traitements humiliants dont elle est victime prennent trop facilement le pas sur d’autres aspects de sa personnalité. Quant à ce Nouveau Peuple dont elle fait partie, on aimerait en apprendre davantage à son sujet, par l’intermédiaire d’Emiko justement, mais cette attente ne sera pas satisfaite.

Il reste que « La fille automate » est une œuvre remarquable, au sens propre du terme, dont certaines images (celles de la fin notamment, spectaculaire et emblématique) sont saisissantes et, surtout, qui a l’art de poser les bonnes questions et d’appuyer où ça peut faire (très) mal.

J'ai bien aimé !« La fille automate », Paolo BACIGALUPIa-tous-prixPMSélection Prix Une Autre Terre
Titre original The Windup Girl
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sarah Doke
Editions Au Diable Vauvert (595 p)
Paru en février 2012
Prix Nebula du meilleur roman en 2009, Prix Hugo du meilleur roman 2010, Prix Locus du meilleur premier roman 2010, Prix Planète-SF des Blogueurs 2012

D’autres avis, tous très positifs, chez : Gromovar, Traqueur Stellaire, Anudar, Lhisbei, Tigger Lilly, Efelle, Lorhkan, Endea, Alias …

9 commentaires sur “« La fille automate », Paolo BACIGALUPI

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  1. Le résumé est plutôt tentant: un univers intriguant même si tout ça m’a l’air très très touffu (voire un peu bordélique?). Le reste de ton billet me refroidit un peu, mais qui sait, je pourrais me laisser tenter si je tombe dessus, ça fait un moment que je n’ai plus lu de SF.

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    1. Oui, c’est très touffu, mais pas bordélique, je te rassure ! L’auteur maîtrise parfaitement son univers, mais ce n’est pas évident d’en faire une présentation rapide, je trouve, car il y a beaucoup à dire et ce qui m’intéresse c’est d’exposer ce que j’ai pensé du livre, pas d’en faire un résumé.
      En tout cas, si tu en as l’occasion, il faut tenter, c’est sûr : mes réticences sont toutes personnelles et tu ne les retrouveras pas dans les critiques que j’ai mises en liens.

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  2. C’est dommage car il avait l’air vraiment intéressant mais si c’est fastidieux par moment, c’est forcément un peu rebutant…
    Merci en tout cas pour ta participation et bravo tu as atteint le nombre de livres dans ta catégorie 😉 Tu peux bien entendu poursuivre le challenge dans la catégorie suivante 🙂 Bonne journée !

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  3. Pour que je lise presque 600 pages de science-fiction, il faudrait que je ne trouve que des avis complètement, totalement enthousiastes ! Ce qui n’est pas le cas ici ! 😉

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  4. L’histoire a beau être intéressante, j’ai trouvé la chose tellement mal écrite que j’ai abandonné après 100 pages. Pas du tout ma came…

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    1. Ah, c’est marrant, parce que, moi, j’ai trouvé que c’était bien écrit (même si le maintien de certains mots thaï accroche un peu au début) …

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  5. Me connaissant, il se peut que je ressente les mêmes faiblesses que toi ; mais j’ai toujours envie de le lire, pour toutes les raisons que tu as indiquées.

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