« Les revenants », de Laura KASISCHKE

Shelly Lockes a été la première sur les lieux de l’accident de voiture qui a coûté la vie à Nicole, la jeune et belle étudiante de l’université Godwin. Et elle enrage de constater que, malgré ses interventions répétées, la version donnée par la presse ne prend pas en compte son témoignage.
C’est le petit ami de Nicole, Craig, qui était au volant. Quelques mois plus tard, après une période psychologiquement très difficile, il tient à revenir poursuivre ses études dans la même université. Il est à nouveau en colocation avec Perry, qui connaissait lui aussi Nicole, mais depuis leur enfance puisqu’elle était originaire de la même ville que lui.
Fortement ébranlés par les événements, Craig et Perry le sont encore plus lorsqu’ils constatent que la présence de Nicole semble littéralement hanter le campus.
Perry décide alors de s’inscrire au séminaire d’anthropologie culturelle proposé par le professeur Mira Polson, « La mort, mourir et les non-morts », pour les aider à y voir plus clair.

Si l’action se situe au moment où Craig retourne, quelques mois après l’accident, à l’université, le récit est parcouru de retours en arrière qui permettent de retracer son arrivée sur le campus à la rentrée précédente et la manière dont il s’est lié à Nicole.
Outre Craig, on suit les pas de Perry, son compagnon de chambre. On fait aussi intimement connaissance de son professeur, Mira, dont le mari, père au foyer (désespéré), se charge d’élever (comme il peut) leurs deux très turbulents petits jumeaux. Quant à Shelly, le témoin, une femme d’âge mûr qui travaille au secrétariat de la Société de musique de l’université, elle prend au fil de l’histoire une place plus importante.
C’est donc autour de ces quatre personnages que Laura Kasischke construit, fort habilement, un récit énigmatique. Entrelaçant les fils du passé et du présent, il plonge le lecteur dans le milieu très particulier des campus américains et de leurs associations estudiantines (fraternités et sororités), aux curieux rituels.
J’ai apprécié le talent avec lequel l’auteur dépeint le cadre de l’action, évoquant notamment, en quelques traits rapides, les saisons et les couleurs que prend l’architecture du campus. Et j’ai été, sans conteste, séduite par le caractère mystérieux de l’histoire autant que par la réflexion qu’elle propose quant à notre attitude face à la mort.
Pourtant, sans pouvoir déceler objectivement des longueurs dans ce roman, j’y ai trouvé le temps un peu long. Sans doute parce que les protagonistes ne parvenaient pas  vraiment à me toucher, si bien que je ne me suis finalement sentie concernée ni par eux, ni par ce qui leur arrivait. Rarement, en effet, j’ai autant eu l’impression que les personnages étaient des figures au sein d’un récit, à ne pas confondre avec des êtres réels ou vraisemblables, Mira exceptée, la seule que j’ai trouvée authentique. Tous sont, sinon d’une beauté à couper le souffle, du moins préservés de la moindre disgrâce, voire littéralement emblématiques (comme Nicole, blonde et rayonnante, dont on nous dit qu’ »elle était LA jeune fille américaine »). Au point qu’ils pourraient pour certains devenir interchangeables, pour reprendre le qualificatif de l’auteur.
Chez Laura Kasischke, il me semble que l’angle d’attaque sociétal est spécifique : elle joue sur la mise à distance produite par l’utilisation, volontaire, de certains clichés et elle opère froidement, taillant dans le vif pour traquer les faux-semblants non seulement d’un microcosme mais aussi de la société dont il fait partie. L’ensemble fonctionne mais, pour ma part, je conserve une position d’observatrice, sans m’impliquer plus avant.

Après « A moi pour toujours » et « En un monde parfait », « Les revenants » est le troisième (et dernier ?) roman de Laura Kasischke que je découvre et je ne suis toujours pas emballée. Question de sensibilité personnelle, car l’écriture et la structure en sont d’une indéniable élégance.

« Les revenants », Laura KASISCHKE
Editions Christian Bourgois (598 p)
Paru en septembre 2011

D’autres avis (tous positifs, voire enthousiastes) chez : Joëlle, Kathel, Leiloona, Voyelle et Consonne, Cachou, Véronique, Choco, Sylvie, Enna, Aproposdelivres …

28 commentaires sur “« Les revenants », de Laura KASISCHKE

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  1. Je vais recevoir ce roman de Babelio et j’ai hâte de pouvoir découvrir cette auteure souvent comparée à Joyce Carol Oates (que j’aime beaucoup). Je repasserai te lire pour confronter nos avis 😉 Au fait, as-tu accepté l’essai « Guerrières ! » de Moïra Sauvage ?

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    1. Je connais assez peu Joyce Carol Oates (un roman et demi), mais pour moi elle est largement au-dessus, avec une écriture et un propos qui ont davantage d’envergure.
      (« Guerrières » accepté)

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  2. J’ai failli acheter « Les revenants » il y a peu (6 € en bouquinerie !). Puis, me souvenant de ma big déception à la lecture de « La Vie devant ses yeux », je l’ai reposé au profit d’un autre.
    Ce que tu en dis résume en partie ce que j’avais pensé de « La Vie devant ses yeux ». Je crois que Kasischke n’est pas une auteur pour moi.

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    1. A confirmer éventuellement… Et je viens de relire ton billet sur « La Vie devant ses yeux », que tu avais trouvé poussif. Ici, tu trouverais une narration un peu plus rythmée et davantage d’intérêt aux personnages, plus nombreux. Mais, bon, je ne suis pas convaincue que cela t’accrocherait pour autant.

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  3. Comme j’ai le précédent dans ma PAL, je vais attendre pour celui-là. Je n’avais pas été complètement convaincue par « à moi pour toujours », quelque chose me gêne chez cet écrivain, même si je ne sais pas exactement quoi.

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    1. Pour ma part, je crois que c’est un côté un peu artificiel et appuyé, aussi, comme un film avec des acteurs, pas toujours très bons, jouant leurs rôles. Du coup, je n’arrive pas à croire à ce qu’elle raconte.

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  4. Je fais partie des enthousiastes ! Bien que je comprenne tout à fait les réserves qu’on puisse avoir pour cette auteur et cette façon qu’elle a de rester à la surface. Sinon, le personnage de Mira m’a beaucoup touchée aussi.

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  5. Je suis une inconditionnelle et aucun de ses romans lus jusqu’alors ne m’a déçue… Je me suis attachée une fois encore aux personnages dans ce roman-ci et n’ai ressenti aucune longueur !

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    1. Oui, je ne me suis pas attardée là-dessus, parce que, sur le fond, pourquoi pas, ce qu’elle racontait aurait pu être intéressant… sauf que, moi aussi, vu la manière dont elle le traite, j’ai fini par me dire que, bof ! Et il y a tant de sujets à traiter pour parler de la société américaine que (même si j’essaie de sauver le truc en me disant qu’elle la critique peut-être au-delà du microcosme de l’université, par ricochet) cette histoire d’université américaine paraît bien anecdotique (et invraisemblable).

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    1. Je n’ai pas été tentée par l’abandon, mais je crois que c’est parce que j’avais conscience que c’était parti pour être la dernière chance (avec moi) pour cet auteur, donc j’étais motivée.

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  6. Comme tu le dis si bien, elle utilise souvent des personnages assez typiques pour mieux dénoncer les travers de la société ! Elle prend les rêves que beaucoup ont (comme celui d’être la jeune fille américaine parfaite) et les broie menu. C’est ce que j’aime chez elle, cette critique de la société américaine, en traitant des sujets tels que la famille, le couple, l’éducation. Mais peut-être apprécierais-tu plus Un oiseau blanc dans le blizzard ou A Suspicious River, où les personnages sont moins « parfaits » !

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    1. Je note ces deux titres dans un petit coin… mais pour le moment, je n’ai pas envie de relire cet auteur (et je ne sais pas si l’envie reviendra un jour).

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