« Scintillation », John BURNSIDE

Sur la presqu’île gît l’ancienne usine désaffectée, celle qui a irrémédiablement corrompu tous les sols et les bois alentour et les corps des habitants de l’Intraville,  qui meurent souvent de maladies longues et inconnues. Les adultes semblent incapables de quitter ces lieux maudits. Morrison y est devenu policier, tâchant de consacrer du temps à son épouse, Alice, qui sombre dans la folie. Brian Smith, qui contrôle plus ou moins tout et tout le monde, y fait des affaires douteuses, misant sur le désir des gens de voir l’endroit redémarrer économiquement. Mais, depuis quelque temps, de jeunes garçons disparaissent mystérieusement. Leonard était l’ami de l’un d’eux. Lui aime les longues errances dans un paysage dévasté mais qu’il trouve paré d’une tragique beauté. Les livres, que John le bibliothécaire lui procure. Elspeth aussi, mais pour le sexe seulement. Et l’Homme Papillon, qui vient régulièrement procéder à des analyses de terrain.
Le chemin de Leonard en vient à croiser celui de celui de Jimmy et de sa bande…

« Scintillation » est un livre dont l’étrange tonalité m’a d’emblée accrochée, avec ce prologue déroutant où le narrateur déclare parler d’un lieu où il se trouve, maintenant qu’il a franchi le Glister (titre original du livre), un prologue vers lequel on revient, une fois la lecture achevée, comme pour vérifier les clés dont on dispose.
L’écriture tout autant que l’ambiance, sombre et mystérieuse, de ces territoires nés de terribles erreurs humaines, m’ont saisie et j’ai apprécié la diversité initiale (jusqu’à la page 75) des points de vue (ceux de John Morrison, Brian Smith, Alice) offerts sur cet environnement hors du commun mais emblématique de nos pires dérapages.
Malheureusement, mon intérêt s’est quelque peu émoussé en cours de route, à partir du moment où j’ai fini par comprendre que le récit ne serait plus focalisé que sur Leonard (par la suite il n’y aura que deux très brèves interventions de narrateurs différents), quinze ans, ses relations avec Elspeth et avec Jimmy et Cie (et parmi la Cie, il y a une autre fille, Eddie). Les rapports que Leonard entretient avec la bande nous valent les pages les plus noires du roman, qui frappent par leur décorticage minutieux des mécanismes du comportement. Il reste que je n’avais pas envie de passer si longtemps auprès d’un narrateur adolescent, ce n’est pas ce que j’attendais de cette lecture. Dès lors, si elle ne m’a pas vraiment lassée car la perception que Leonard a de son milieu (et de lui-même) ne manque pas d’intelligence et la qualité d’écriture du texte est indéniable, elle a cessé de me captiver. Et le développement final de l’histoire, qui se referme en boucle sur le début du récit, a suscité en moi une réaction ambivalente, l’attrait pour le jeu avec la réalité ne parvenant pas à dissiper l’impression, diffuse, que l’auteur s’était joué de moi, m’entraînant sur des chemins que j’ai trouvé trop faciles.

« Scintillation », John BURNSIDE
Editions Métailié (283 p)
Paru en août 2011

Et une pluie d’avis enthousiastes (pour contrebalancer le mien, plus réservé) chez : Cuné , Aifelle , La Pyrénéenne ,  Clara,  Mobylivres ,  Biblioblog , J.M Laherrère , Sylvie , Cryssilda

28 commentaires sur “« Scintillation », John BURNSIDE

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  1. Contrairement à toi, j’ai bien aimé quand le narrateur est devenu uniquement Léonard, il est drôlement intéressant. Je suis revenue aussi au prologue pour essayer d’en capter un peu plus, mais rien à faire l’auteur nous laisse toutes seules sur notre propre interprétation. Depuis j’ai lu « le matricule des anges » qui lui a consacré un dossier en septembre, c’était très éclairant sur sa personnalité et ses obsessions.

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    1. Oui, il est intéressant… mais ça ne m’a pas suffi. Quant au dénouement et au prologue, tu évoques dans ton billet un « aspect mystico-spirituel-new-age » qui ne t’a pas convaincue et chez moi ça a carrément coincé (en fait, au prologue, j’étais un peu inquiète mais surtout intriguée et je me suis dit que je devais mal comprendre, il fallait voir la suite…).
      Je crois surtout que je m’étais fait, avant de le lire, mon propre livre…

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    1. La facilité que j’évoque concerne uniquement le dénouement mais je ne peux pas en dire plus sans trop en dire.
      Pour le reste, pas de facilité, non, mais je crois que j’attendais un roman avec davantage d’ampleur (en réalité, je ne sais pas exactement à quoi je m’attendais, mais pas à cela : pour me plaire, en tout cas, il est certain que le roman aurait dû poursuivre sur la voie des narrateurs multiples).

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  2. Ce livre m’attire et me repousse, c’est vraiment étrange. Mais d’après ton billet, si les narrateurs changent, cela est un mauvais point pour moi … J’aime ne pas changer de narrateur en cours de route ! 😆

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  3. Euh… la facilité… Burnside ? 😉 La fin, je l’ai trouvée déroutante, mais pas forcément facile, ni pour l’auteur, ni pour le lecteur….
    Bon, malgré mon fanatisme aigüe, je ne vais pas bouder 🙂 et je vais t’encourager pour en lire un autre de l’auteur ! 😀

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    1. Oups ! Je sens que je l’ai échappé belle 🙂 !
      ALERTE SPOILER :
      La fin m’a frustrée, en fait elle a confirmé ce qui m’avait un peu inquiétée dans le prologue (là aussi, il y avait eu de l’ambivalence, entre inquiétude et attirance), avec un glissement vers l’ésotérique (ou le surnaturel, comme on veut), d’où ma remarque sur le côté « facile » : je trouve que c’est trop facile d’abandonner le lecteur (qui a suivi le déroulement de l’histoire jusqu’au bout) comme ça, de poser des faits, tisser une vague trame et puis de ne pas se donner la peine de conclure, parce que je n’appelle même pas cela une fin ouverte, moi, j’appelle cela une non fin, une facilité pour l’auteur qui ne savait plus quoi faire des fils qu’il avait tirés.
      Mais ce n’est que mon opinion personnelle de lectrice (déçue par le choix qu’a fait l’auteur, lequel a évidemment le droit d’opérer tous les choix qui lui conviennent, c’est son livre, quand même 😉 !) qui arrivait avec, comme toujours, ses propres attentes et projections sur le texte…

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  4. oh, oh, comme Ys, il est en haut de ma pile celui-là, j’ai craqué, trop curieuse… . D’après la lecture de ton billet, je sens qu’il va y avoir à chipoter -)

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  5. C’est un titre qui me fait hésiter : le sujet me tente mais j’ai peur de ne pas aimer le style ! J’oscille donc entre noter et ne pas noter ; ) mdr ! Dans tous les cas, vu mes hésitations, ce sera un emprunt à la biblio mais je me demande quand je trouverai le bon état d’esprit pour cette lecture !

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  6. Jusqu’ici, c’est effectivement cet aspect « new age » qui m’avait un peu rebuté. Mais si tu dis que ça t’a carrément bloquée, je crains que ça ne passe pas avec moi non plus…. J’attendrai donc de mettre la main dessus à moindre frais.

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    1. ça m’a bloquée uniquement pour le dénouement (bon, d’accord, il y a aussi, pour moi, un effet ricochet sur la portée du texte, mais rien qui nuise à sa qualité intrinsèque) ! Il ne faut pas que cela t’arrête pour autant, je pense au contraire que ce roman a de grandes chances de te plaire.

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    1. C’est particulier et même si je ne regrette pas ma lecture, je n’ai pas été convaincue au point de pouvoir recommander ce roman. En tout cas, c’est bien que tu sois allée te faire ta propre opinion.

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  7. je n’ai pas très bien compris la fin non plus… je viens d’écrire mon billet (publication en fin de semaine) et je dois dire que j’ai rarement été plombée à ce point par un roman. Burnside est à lire quand on a le moral!!

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