« Les ombres de Kittur », Aravind ADIGA

Présentation de l’éditeur :
Kittur, une petite ville imaginaire de l’Inde du Sud située sur la côte du Karnataka – entre Goa et Calicut – est le théâtre des dernières histoires de l’auteur du Tigre blanc.
Avec ses hautes et ses basses castes, ses multiples religions, ses immigrés tamouls, ses rikshawallahs, ses fonctionnaires corrompus et ses enfants des rues, Kittur incarne l’Inde toute entière.
On y croise Ziauddin, garçon famélique parmi tant d’autres qui hantent les gares du pays ; « Xerox » Ramakrhishna, arrêté pour vente illégale de photocopies des Versets Sataniques ; Shankara, poseur de bombe dans son école jésuite ; Abbasi, propriétaire musulman d’un atelier de confection qui résiste aux pressions de fonctionnaires véreux ; Soumya, douce petite fille d’ouvrier qui, par amour pour son père, court lui cherchez sa dose d’héroïne à l’autre bout de la ville ; George D’Souza, le jardinier catholique de Mrs Gomes, qui peine à établier la bonne distance entre maîtresse et serviteur ; Murali, le brahmane devenu communiste, qui a laissé la vie passer…[…]

Le recueil se présente comme un guide de Kittur, les quatorze histoires ponctuant les diverses étapes du parcours dans la ville. Sans se perdre en longues descriptions, l’auteur donne à chaque fois, après un petit préambule historico-géographique, un aperçu saisissant du quartier évoqué et des lieux (une école, une petite entreprise, une villa bourgeoise…) où se situe le récit. Il l’inscrit au cœur d’un système de castes et de classes complexe où se côtoient diverses religions et langues (l’ensemble n’étant pas toujours évident à appréhender pour le lecteur lambda, il y a des castes comme celle des hoykas dont je n’avais par exemple jamais entendu parler). Chacun de ces portraits (ce ne sont pas vraiment des nouvelles à chute, plutôt des séquences de vie, dont certaines s’achèvent abruptement) s’avère criant de vérité, de l’ordre d’un mini-reportage consacré à une personne que l’on suit pendant un temps donné, si bien qu’on la voit évoluer dans son quotidien, fait de travaux répétitifs souvent éreintants et à peine rémunérés. On est frappé, en particulier, par les réflexions que les protagonistes se font à eux-mêmes et qui nous sont rapportées telles quelles, car elles témoignent souvent de leur lucidité : ils se voient comme ils sont, plongés dans une misère dont ils voudraient sortir (à plusieurs reprises, d’ailleurs, le récit se situe au moment précis où ils effectuent une tentative en ce sens), mais sans trouver le moyen d’y parvenir, prisonniers d’un destin qui les accable.

J’avais beaucoup apprécié le précédent opus de l’auteur, « Le Tigre blanc » (roman et non pas un recueil de nouvelles) et je pensais qu’il en serait de même avec ce deuxième. Mais ici, pas de héros plein d’allant pour partir à l’assaut de ce pays sans pitié où la corruption pourrit tout et décider que, coûte que coûte, il y fera sa place. L’écriture demeure vive et de qualité car Aravind Adiga est un écrivain talentueux et il y a bien quelques traces de cet humour noir si présent dans « Le Tigre blanc », mais c’est le noir qui domine et le sentiment (la certitude ?) que la plupart des personnages représentés n’ont strictement aucun moyen de s’extirper de la condition dans laquelle le hasard de leur naissance les a jetés, dans un pays incapable d’offrir à ses habitants un traitement équitable. Cette lecture terriblement sombre (que j’aurais sans doute abandonnée s’il ne s’était agi d’un livre reçu dans le cadre d’une opération Masse Critique de Babelio, je n’arrêtais pas de remettre au lendemain la nouvelle suivante…) a fini par se révéler, pour moi, aussi éprouvante que la réalité qu’elle dépeignait, impression seulement atténuée in fine par la teneur des trois derniers récits, beaucoup moins âpres.

« Les ombres de Kittur », Aravind ADIGA
Editions Buchet Chastel (354 p)
Paru en août 2011

Les avis (plus enthousiastes) de : Kathel, Benebonnou… (et d’autres sur Babelio)

8 commentaires sur “« Les ombres de Kittur », Aravind ADIGA

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  1. Je vois ce que tu veux dire avec ce climat lourd qui finit par être contaminant, je ne vais pas m’y frotter. Je retiens plutôt « le tigre blanc » toujours pas lu.

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  2. Le sujet du livre paraît assez attirant mais j’ai déjà du mal à accrocher quand il s’agit de nouvelles si en plus c’est si sombre, je vais déprimer. En revanche, tu as attiré ma curiosité et je note « Le tigre blanc ».

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      1. Tu l’as peut-être trouvé plus réaliste… mais il l’est tellement que j’ai eu l’impression d’être ensevelie sous l’amoncellement monstrueux des problèmes du pays.

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