« True Grit », du film au livre…

« Les gens ne croient pas qu’une fille de quatorze ans puisse quitter sa maison pour aller venger la mort de son père en plein hiver. Cela ne semblait pas étrange, alors, mais j’admets que cela n’arrivait pas tous les jours. Je venais juste de fêter mon anniversaire lorsqu’un lâche du nom de Tom Chaney abattit mon père à Fort Smith, en Arkansas. En plus de sa vie, il lui vola son cheval, cent cinquante dollars en liquide, et deux pièces d’or frappées en Californie qu’il gardait dans la doublure de sa ceinture en toile. »
Environ quarante ans plus tard, Mattie Ross raconte comment elle embaucha deux marshals pour partir à la recherche de Tom Chaney : Rooster Cogburn, la cinquantaine, borgne, et dont le goût pour la bouteille n’a d’égal que sa facilité à jouer de la gâchette ;  et LaBoeuf, un sémillant ranger texan déjà à la poursuite de l’individu, recherché pour meurtre dans un autre état.
En compagnie de ces deux lascars auxquels elle réussit à s’imposer, Mattie part pour une chevauchée aventureuse, ponctuée de dangereuses rencontres avec des hors-la-loi…

Après avoir vu le film qu’en ont tiré les frères Coen, j’étais très curieuse de lire ce roman et c’est grâce à Keisha (merci !) que cette curiosité a pu être satisfaite.
J’ai constaté que les cinéastes avaient été particulièrement (je dirais à 80/90 %) fidèles au roman, ce qui est remarquable… sauf que, du coup, je me suis presque ennuyée en le lisant. Là où j’espérais un peu d’introspection, ce que la plupart du temps le cinéma peine à restituer, j’ai retrouvé la narration distanciée du film telle que l’effectue sa principale protagoniste, avec le recul des années : même tête près du bonnet (Mattie est comptable et légaliste : un sou est un sou et elle est une négociatrice de premier ordre ; elle n’hésite jamais à évoquer la possibilité de faire appel à l’avocat de sa famille, à croire que les Américains ont toujours eu ce travers !) ; même intransigeance relevant d’une rigoureuse éducation presbytérienne, même certitude d’avoir toujours raison mais aussi, bien sûr, mêmes vivacité, sens de l’observation et de la répartie (non dénué d’humour), mêmes pugnacité et volonté farouche de mener son dessein à bien, qui rendent attachante notre jeune héroïne, une sacrée petite personne (incarnée à merveille par l’actrice choisie pour le film). Mais on n’entre pas dans sa tête, dans ses pensées, on reste autant à l’extérieur qu’en regardant le film. Vous me direz que les gens font ce qu’ils sont et, en l’occurrence, vous aurez raison : Mattie existe par l’exécution de ce grand projet, dont l’issue sera déterminante pour le reste de sa vie.

Ma recommandation : à lire si le thème et une plongée dans l’Amérique de la fin du XIXème siècle vous tentent et si vous n’avez pas déjà vu le film !

N.B. : j’avais déjà noté une fidélité similaire de l’adaptation cinématographique à l’œuvre littéraire originale en lisant a posteriori « Brokeback Mountain », d’Annie Proulx et, dans ce cas, j’avais été jusqu’à préférer le film : en comparaison la nouvelle m’avait paru beaucoup plus sèche, un récit relativement lapidaire des événements qui ne véhiculait pas autant d’émotion.

« True Grit », Charles PORTIS
Editions du Serpent à plumes (229 p)
Paru en janvier 2011

25 commentaires sur “« True Grit », du film au livre…

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  1. Comme toi, j »avais trouvé la nouvelle d’Annie Proulx beaucoup plus austère que le film. A tel point que, une fois sorti de Brokeback Mountain, je suis allé la relire tant je doutais que la nouvelle que j’avais lue à l’époque était bien celle qui venait d’être adaptée au ciné…
    En ce qui concerne True Grit, l’histoire me tente bien même si j’ai lu ici et là quelques reproches formulés quant à la trop grande distanciation de la narratrice par rapport aux événements.

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    1. Concernant « Brokeback Mountain », cela ne m’étonne pas que tu aies éprouvé le besoin de retourner vers la nouvelle après le film, les mêmes faits y sont en effet rendus de manière très différente.
      Quant à « True Grit », je pensais que le roman me permettrait d’être (davantage que dans le film) au plus près des sentiments de l’héroïne, ce qui n’a pas du tout été le cas, donc j’ai été déçue.

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    1. Et tu as raison car tu t’y ennuierais au moins autant !
      De mon côté, j’avais bien aimé le film, mais pas autant que ce à quoi je m’attendais : j’ai trouvé qu’il y avait des longueurs et le personnage de Rooster Cogburn m’a agacée (saoûlant).

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  2. J’ai ressenti le même ennui, en ayant lu le livre d’abord, puis voulu voir ce que les frères Coen en avaient fait. La déception fut à la hauteur de mes attentes, malheureusement.

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    1. Il y a des oeuvres pour lesquelles ce type d’aller-retour à l’écrit/à l’écran fonctionne très bien, mais ça ne semble pas être le cas ici…

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  3. Je préfère toujours avoir lu le livre avant d’en voir l’adaptation cinématographique. Et pas l’inverse, le plus souvent un peu éprouvant. En ce qui concerne le film « True grit », il a été pour moi un vrai plaisir de cinéma. Une histoire, des personnages, une mise en scène, ce qui n’est au final pas si courant que cela. Quant au livre, euh… Je ne l’ai pas lu, et maintenant que j’ai vu le film… :))

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    1. J’aime bien comparer les deux, livre et film, parfois je retrouve le même plaisir à lire le roman après, comme ce fut le cas avec « La fenêtre panoramique », après avoir vu « Les noces rebelles ». Souvent aussi, le roman va plus loin et complète des aspects que le film laissait dans l’ombre. Mais il n’y a pas de règle en la matière, la preuve !

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  4. Avec le livre seulement, on est déjà content, tu sais! j’hésite à voir le film?
    Tiens, je dois lire Brockeback Mountain (et voir le film…)

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  5. Il faut voir le film, ne serait-ce que pour la qualité de jeu de la jeune actrice incarnant Mattie Ross ! Et puis, tu y retrouveras le plaisir que tu as pris à la lecture du roman.

    Comment ça, tu n’as pas vu « Le secret de Brockeback Mountain » ? C’est vraiment un très beau film, il te plaira j’en suis certaine.

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  6. C’est curieux, je n’ai jamais tenté « du film au livre », mais pratique dès que je le peux « du livre au film » pour les livres que j’ai aimés. J’aime mettre en images, ou comparer MES images avec celles du réalisateur. Souvent, d’ailleurs, peu m’importent les variations du cinéaste par rapport à l’écrivain.
    Enfin, pour celui-ci, cela ne se fera pas, car je vais le voir au ciné cette semaine : un peu juste pour me mettre à la lecture !

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    1. Tu vois, tu es dans le même cas que moi : le film se présente alors que je n’avais pas forcément connaissance du livre, donc je le fais passer avant, parce qu’il ne restera pas longtemps sur les écrans.

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  7. Tu sais que je fais rarement les deux (lire le livre et voir le film) mais plutôt l’un ou l’autre, ça me suffit… Keisha doit me prêter le livre, je m’en contenterai

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